Qui est Happy Airways, cette compagnie qui veut faire décoller des avions depuis Strasbourg?

Un avion commercial de la compagnie aérienne allemande Lufthansa laisse une traînée de condensation dans le ciel, le 3 avril 2017, au-dessus de la station des Alpes suisses de Verbier - Fabrice COFFRINI © 2019 AFP
Une nouvelle compagnie aérienne française? L'annonce est assez rare. Happy Airways présentée ce lundi 22 août se présente comme un nouvel opérateur basé à Strasbourg avec l'ambition de desservir 14 destinations en France et en Europe (Bruxelles, Genève, Londres, Berlin, Turin, Venise, Milan...) depuis la capitale alsacienne. Une annonce ambitieuse puisque Happy Airways annonce 4400 vols chaque année avec des tarifs affichés à partir de 59,99 euros.

"Happy Airways disposera d’un réseau connectant dès ses débuts la major (sic) partie des villes et capitales de l’Union européenne. Avec une politique commerciale avantageuse, un confort accru et des correspondances optimisées; Happy Airways se veut être la compagnie ouvrant Strasbourg et le centre européen sur le monde entier!" peut-on lire sur son site Internet.
Et de poursuivre: "de plus, Happy Airways compte faire de Strasbourg un pôle multimodal, avec des correspondances optimisées. Happy Airways permettra de rendre l’Union européenne accessible, au meilleur prix, pour le meilleur des services en passant par cette capitale européenne de renom".
La compagnie entend faire voler des avions ATR 72-600 de 78 sièges, de manière à "assurer un réseau vaste et diversifié tout en limitant ses coûts opérationnels, ainsi que son impact environnemental". Un projet relayé par la presse spécialisée internationale ou encore des sites régionaux .
Prometteur. Sauf que, Happy Airways n'est encore qu'un projet balbutiant et surtout qui n'est pas financé. Sur son site, la possible future compagnie dit être "ouverte aux opportunités de financement qui lui seront proposées" et invite "toutes les personnes intéressées à entrer en contact avec les fondateurs du projet. Ceci dans la volonté de réunir la somme requise et ainsi faire décoller ce magnifique projet d’aménagement du territoire" avec pour commencer deux appareils.
Appel aux investisseurs et crowdfunding
L'entreprise précise avoir besoin de 4,75 millions d'euros mais de seulement 1,8 million pour faire décoller son premier aéronef. Un budget assez contraint compte tenu des coûts colossaux des vols aériens (appareils, kérosène, salaires, logistique...). Outre les investisseurs, l'entreprise en appelle aux dons de particuliers à travers une campagne de crowdfunding et organise également une loterie.
Une recherche dans les bases publiques de données des entreprises ne renvoie aucune société au nom de Happy Airways. Nous sommes parvenus à remonter jusqu'au porteur de ce projet: un jeune entrepreneur, Cléo Boberda, passionné d'aviation, qui assure avoir mis sur pied un business-plan précis. Il ajoute également avoir reçu un bon accueil des gestionnaires d'aéroports européens visés par sa compagnie. C'est sa société de communication, Azula Agency, spécialisée dans le conseil aux influenceurs sur les réseaux sociaux qui se cache derrière ce projet de compagnie aérienne.
Un projet au point mort depuis 3 ans
Contacté par BFM Business, l'aéroport de Strasbourg affiche ses interrogations. "Ils sont venus nous présenter leur projet il y a trois ans, depuis nous n'avons eu aucun contact avec eux" indique Sandrine Ostrowski, directrice administratif et financier. "On ne peut pas dire si ce projet est sérieux", dit-elle.
Concernant le modèle économique, il évoque un rapprochement depuis quelques mois avec la compagnie aérienne danoise Air Alsie qui exploite des ATR 42/72. Cette dernière opérerait l’aspect technique (appareils et maintenance, formation du personnel) faisant d'Happy Airways une compagnie aérienne virtuelle.
Tout comme les opérateurs télécoms virtuels qui louent des capacités aux opérateurs qui possèdent des réseaux. Ce modèle existe en effet dans l'aérien à l'image de Luebeck Air en Allemagne opéré en réalité par Air Alsie qui propose en effet ce type de prestations à d'autres compagnies.
Dans un communiqué de la compagnie en date du 25 août, la compagnie confirme cette approche: "Happy Airways se révélera être une compagnie aérienne 'virtuelle'. Ceci signifie que la compagnie disposera d’un acteur clé qui opérera nos vols en notre nom. De cette façon, Happy Airways se concentrera sur le développement et l’aspect commercial, tandis qu’Air Alsie s’occupera de l’aspect technique des operations".
Contacté par BFM Business, Dennis Rybash, CEO Air Alsie confirme "avoir été en contact avec des personnes de Happy Airways depuis un certain temps maintenant. Les discussions sont encore à un stade précoce, et il est trop tôt pour conclure si nous sommes un partenaire opérationnel de Happy Airways si le projet devait décoller".
Côté financement, sur son site, Happy Airways indique avoir levé 218.000 euros sur le total de 4,7 millions d'euros. Il s'agit en réalité de fonds propres issus de la précédente activité de cet entrepreneur.
Pas de certificat de vol
Sur la question sensible du crowdfunding et de la loterie, Happy Airways indique à BFM Business qu'elle "apporte la garantie aux contributeurs qu’en cas de somme non-réunie, un remboursement total sera effectué".
Enfin, rappelons que toute compagnie aérienne doit obligatoirement avoir un CTA, le certificat délivré par la Direction de l'aviation civile (DGAC), précieux sésame que Happy Airways ne possède pas.
"Cette compagnie est inconnue au niveau de la DGAC. Nous n’avons pas été sollicités pour une délivrance de CTA à ce stade, et nous n’avons pas eu de contacts avec les dirigeants ni avec les opérationnels de cette entreprise" explique l'autorité à BFM Business.
Bref, le projet apparaît bien peu avancé et le dernier communiqué de l'entreprise le concède: "Du fait que le projet est en cours de financement, Happy Airways est encore en projet et croît étape par étape". Rêve un peu fou d'un passionné ou projet crédible?, l'avenir le dira...