Pannes et immobilisations: en Allemagne, le train à hydrogène tourne-t-il au fiasco?

Le train à hydrogène a-t-il confondu vitesse et précipitation? Depuis deux ans, une flotte de 14 trains régionaux Coradia iLint propulsés par cette énergie et fournis par Alstom à la région de Basse-Saxe en Allemagne, commence à circuler. Une première mondiale.
Ces nouvelles rames sont alors présentées comme la solution pour remplacer les trains au diesel, émetteur de CO2, roulant sur des lignes non électrifiées : 20% du réseau en Allemagne, 50% en Europe, 40% en France, essentiellement régionales. Or l'électrification de ces lignes n'est pas envisageable au vu du rapport coûts/rentabilité.
Mais très vite, des problèmes apparaissent, avec des difficultés d'exploitation. Des problèmes qui semblent avoir persisté depuis. Les performances des rames sont inférieures aux attentes avec des pannes récurrentes entraînant de longues immobilisations des trains, notamment à cause de l'indisponibilité de pièces.
Indisponibilité de pièces
Les conséquences pour la qualité de service sont importantes puisque l'opérateur Rhein-Main-Verkehrsverbund (RMV) se retrouve avec moins de rames disponibles et doit donc réduire l'offre sur certaines lignes et même déployer des bus pour compenser.
La situation provoque la colère des clients, de l'opérateur et des responsables politiques de la région. D'autant plus que ces trains sont évidemment plus chers à l'achat que les rames diesel.
Jugeant la technologie hydrogène "fondamentalement peu fiable", Ulrich Krebs, administrateur du district de Hochtaunus, estime que "la pression exercée sur les voyageurs en raison des annulations et des services de remplacement ainsi que la pression subie par le personnel liée à une replanification constante du processus opérationnel ne sont plus acceptables".
Évidemment, les relations avec Alstom se tendent. L'industriel français reconnaît "un vrai sujet" sur la problématique des pièces de rechange mais assure fournir une assistance humaine et technique renforcée.
Un prochain programme de modernisation des trains
Interrogé par BFM Business, le groupe "confirme des difficultés techniques sur l’exploitation des trains Coradia iLint en Allemagne dues à une importante pénurie de pièces de rechange. Nous regrettons vivement les désagréments causés aux passagers, ainsi qu’aux opérateurs, nous sommes pleinement mobilisés pour réduire au maximum les désagréments causés à court terme".
"De manière immédiate, nous avons renforcé le personnel de service et l'assistance technique pour les trains. Des composants matériels ont été remplacés et des mises à jour logicielles, installées, pour garantir une meilleure stabilité opérationnelle", poursuit l'industriel.
"Même si de nombreux tests ont été réalisés préalablement, il ne faut pas oublier qu'il s'agit d'une technologie pionnière qui est utilisée ici pour la première fois en opération pour le transport quotidien des passagers."
Et d'ajouter: "Nous faisons le maximum pour relever ce défi technologique chaque jour et permettre à tous les trains à hydrogène d'être utilisés de manière fiable à long terme. C'est dans cet objectif que la flotte iLint va faire l'objet d'un programme de modernisation de différents composants, conjointement avec notre fournisseur de piles à combustible".
Menaces sur de futurs contrats?
"Nous mettons tout en œuvre pour augmenter la disponibilité des trains Coradia iLint", ajoute Alstom. Des pénalités contractuelles sont évidemment prévues mais selon nos informations, le groupe n'a pas eu à sortir le carnet de chèques. Pragmatiques, la région et l'opérateur préfèrent que l'entreprise française prenne à sa charge les services alternatifs comme la location de trains ou de bus de remplacement.
L'an passé déjà, le ministère des Transports de la région avait décidé de ne plus acheter de nouvelles rames à hydrogène et a choisi pour ses prochaines commandes des rames hybrides (batteries électriques et diesel) "moins chères à exploiter", également fournies par Alstom. Pour autant, les trains à hydrogène actuellement en circulation continueront à rouler.
La région fait pression sur Alstom pour améliorer la situation en agitant la menace d'annuler le contrat pour ces futures rames hybrides mais selon nos informations, ces menaces n'ont pas été transformées en actes.
L'Allemagne essuie les plâtres
Pour autant, ces difficultés demeurent un coup dur pour Alstom, leader en la matière et créateur du premier train à hydrogène. En terme d'image, l'annonce n'est pas vraiment une bonne nouvelle pour cette technologie qui doit accompagner le verdissement du rail.
La France, l'Italie, la Suède et même le Québec ont commandé des rames hydrogène au groupe français, les opérateurs ayant besoin de plus en plus de trains pour répondre à la demande, et de plus en plus de trains verts. En France, 12 rames ont été commandées pour les régions Bourgogne-Franche-Comté, Occitanie, Grand Est et Auvergne-Rhône-Alpes.
Ces dernières s'inquiètent-elles du cas allemand ? Sûrement, mais une chose est sûre, l'Allemagne essuie les plâtres en la matière, Alstom assure améliorer son produit avec ce retour d'expérience un peu douloureux.
"Nous sommes convaincus que l'expérience acquise en opérations contribuera à renforcer la maîtrise de cette nouvelle technologie et à la stabiliser davantage."
Les régions qui ont commandé ces trains devraient donc échapper à ces problèmes de jeunesse. Dans le cas contraire, la technologie hydrogène pour le rail risque d'en prendre un coup.