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Neige: quand les automobilistes sont devenus des "naufragés"

Depuis deux jours, on ne parle que d'eux: les "naufragés de la route".

Depuis deux jours, on ne parle que d'eux: les "naufragés de la route". - -

Depuis deux jours, on ne parle que d'eux: les "naufragés" de la route. D’où vient cette nouvelle expression en vogue dans les médias? Le point avec deux linguistes.

Leur radeau possède quatre roues et leur point d'ancrage est un bord de route au centre d'un univers blanc. Depuis deux jours, on ne parle que d'eux: les "naufragés de la route", ces automobilistes que la neige empêche de rentrer chez eux. Une expression très reprise dans les médias et comme surgie de nulle part.

Pourtant, "elle n'est pas nouvelle, indique Claude Gruaz, directeur de recherche honoraire au CNRS. On trouve l'exemple 'naufragé de la route' dans le Petit Robert, comme une extension du sens premier de 'naufragé'. D'ailleurs, la métaphore est assez logique: des gens seuls, isolés, coupés de la société, exactement comme le sont les naufragés en mer!

Pallier un vide lexical

Une expression certes pas neuve, mais jusqu'alors peu employée. "Je n’ai pas le souvenir que l'on rencontrait ce terme il y a quelques années", note Jean-François Sablayrolles, auteur d’un Que sais-je? sur les néologismes. "C’est typiquement une 'formule', un mot qui se développe à un moment donné et dont le succès était jusque là insoupçonné."

Des formules bien utiles aux médias pour pallier un vide lexical dans le cas de situations éphémères. "Si on réfléchit bien, il n'y a pas vraiment d'autre terme pour désigner ces personnes bloquées, et c'est peut-être seulement pour ça qu'on s'est mis à employer cette expression", estime Claude Gruaz. "Même si elle est impropre, elle pallie un vide lexical. Et comme il s’agit typiquement d’une situation exceptionnelle, on ne va pas s'embêter à créer un mot pour la désigner", ajoute Jean-François Sablayrolles.

Connotation

Assurément. Mais pourquoi ne pas employer un terme plus neutre, "bloqué", justement? "Il y a une connotation dans le terme 'naufragé' qu’il n’y a pas dans 'bloqué', explique Jean-François Sablayrolles. Le naufragé attend du secours: lorsque l'on emploie cette expression, c’est indirectement un appel lancé aux pouvoirs publics pour qu’ils prennent les mesures adéquates."

Un sens pas si innocent qu’il paraît, donc. Un peu comme le terme "otages", fréquemment employé lors des grèves: "Celui-là, on l’emploie lorsque l'on veut explicitement accuser quelqu'un", note Claude Gruaz. "Contrairement au naufragé, qui est victime du sort, 'l'otage' ne peut pas bouger car il est retenu par quelqu'un."

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Mathilde Tournier