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Serge Kampf: disparition d’un visionnaire

Avec Capgemini, Serge Kampf (à gauche) a bâti un empire des services informatiques qu'il a transmis à Paul Hermelin (à droite).

Avec Capgemini, Serge Kampf (à gauche) a bâti un empire des services informatiques qu'il a transmis à Paul Hermelin (à droite). - Eric Piermont - AFP

"Le fondateur de Sogeti, l’actuel Capgemini, est mort à l’âge de 81 ans. Cet entrepreneur visionnaire avait très tôt compris que l’avenir de l’informatique passait par le service. Il a bâti son groupe à coups de rachats et de restructurations."

Les hommages rendus sont nombreux pour saluer le parcours de Serge Kampf, fondateur de Sogeti en 1967 (qui est devenu aujourd’hui l’actuel Capgemini), mort mardi à l’âge de 81 ans. Il fût un véritable capitaine d’industrie doublé d’un mécène sportif auprès des clubs de rugby de Grenoble et Biarritz notamment.

"L’avenir de l’informatique, c’est le service". C’est en ces termes qu’il explique son choix en 1967 de quitter la Compagnie des Machines Bull, où il occupait le poste d’ingénieur commercial, pour créer la Société de Gestion des Traitements Informatiques, la Sogeti. IBM et Bull dominent alors le marché des services en vendant -très cher- aux entreprises des machines et les programmes qui vont avec. La France compte alors plus de 500 sociétés de services parmi lesquelles figurent les futurs fleurons des services que deviendront Cap, Sogeti, Sopra, GFI ou encore Atos. Pour l’anecdote, on parle alors moins de services que de "travail à façon".

Des coups de colère et des accès de générosité

Visionnaire réputé pour ses coups de colère et ses accès de générosité, Serge Kampf va bousculer le marché en sortant des rails traditionnels des services informatiques, dont les stratégies sont guidées par des profils issus du sérail polytechnicien. Ces derniers imprimaient une vision technicienne de leur activité. Une vision noble, balayée par l’aspect commercial mis en place par Serge Kampf auprès des grandes entreprises dans la conduite de leurs projets informatiques. "Il a instauré des valeurs comme la liberté et l’intégrité au sein de groupe. Des valeurs reprises par les collaborateurs en interne mais également vis-à-vis de nos clients", souligne Paul Hermelin, actuel PDG de Capgemini. Ce dernier témoigne des nombreux messages reçus de la part de dirigeants de grands groupes internationaux dans la high tech comme Marc Benioff, de Salesforce, ou Joe Tusci d'EMC-Dell. 

Serge Kampf avait aussi mis en place des spécificités, au départ propres à Sogeti et qui s’étendront par la suite à l’ensemble des sociétés de services, des modèles durables et exportables.

Il a aussi profité du formidable enthousiasme de l’époque. Nous sortions des 30 glorieuses. Le code du Travail ne pesait que quelques grammes et personne ne parlait des 35 heures. En pleine période inflationniste, les entreprises devaient produire rapidement et l’informatique répondait à leur besoin. Serge Kampf avait aussi bâti sa stratégie en s’appuyant sur le premier slogan de Sogeti : Local Touch, Global rich. Implantant solidement les bases de son empire à Grenoble avant de partir à la conquête du monde.

Comme certains entrepreneurs (dont certains décriés aujourd’hui) il avait aussi un sens certain de l’ingénierie financière qui lui ont permis de bâtir son groupe à coups de rachats, de fusions et de raids boursiers. Dès 1973, il se rapproche du Centre d’Analyses et de programmation (CAP), et fusionne avec l’américain Gemini en 1975. Suivent les reprises d’un autre américain, DASD, en 1981, une entrée en bourse en 1985, une traversée de crise au début des années 90, les rachats de Cisi, Sesa, le raid boursier sur Sema Group en 1988, les reprises de l’allemand SCS, du britannique Hoskins. Le groupe atteint alors un chiffre d’affaires d’environ 1,5 milliard d’euros.

En 1996, Daimler Benz, via sa filiale informatique Debis entre au capital. Serge Kampf n’est alors plus l’actionnaire principal. En 2000, ce sera au tour d’Ernst & Young d’être absorbé par le géant français qui traversa une nouvelle crise au milieu des années 2000. Il en sort en 2005, avec déjà Paul Hermelin, l’actuel PDG, aux commandes. Ce dernier poursuivra la croissance du groupe avec des rachats spectaculaires, comme ceux de l’indien Kanbay et de ses 25.000 ingénieurs en 2007, ou plus récemment de l’américain iGate pour 4 milliards de dollars. Capgemini pèse aujourd’hui 10,6 milliards d’euros de chiffre d’affaires pour un effectif de près de 180.000 collaborateurs.

Frédéric Simottel, édité par N.G.