LIGNE ROUGE - Pizzas Buitoni, enquête sur un scandale

Détail de la façade de l'usine Buitoni de Caudry, dans le Nord, le 1er avril 2022 - FRANCOIS LO PRESTI © 2019 AFP
Sophie et son mari habitent Nancy et vivent aujourd’hui dans la souffrance et l’inquiétude. Le 14 février dernier, Sophie prépare à ses deux filles des pizzas Fraîch’UP de la marque Buitoni. Le lendemain matin, sa fille ainée, Léna, se plaint d’avoir mal au ventre et s’évanouit cinq minutes plus tard.
Elle est hospitalisée car infectée par une bactérie E.coli. Son pronostic vital est engagé. Les toxines tueuses endommage le cerveau de Léna. Elle ne réagit plus, ne parle plus et reste paralysée.
56 cas d’intoxication recensés
Aujourd’hui, deux enfants sont décédés après avoir consommé les pizzas de la marque. Fin mars une inspection de la préfecture et de la DGCCRF remonte le fil de la chaîne de distribution. L’usine de Caudry (Nord) est responsable du scandale. L’enquête y révèle la présence de rongeurs et le manque d’entretien des zones de nettoyage et de fabrication. Le 18 mars, Buitoni retire les produits Fraîch’UP des rayons. Le 1er avril, le préfet ordonne la fermeture de l’usine qui avait déjà été signalé en 2020 pour des manquements aux conditions d’hygiène sans qu’aucune mesure ne soit prise.
Dès 2021, un employé avait alerté sur des conditions d’hygiène déplorables postant des clichés sur Internet. Les différents ingrédients étaient à même le sol, mélangés à des mégots de cigarettes. Il expliquait aussi que certains employés ne se lavaient pas les mains après être allés aux toilettes.
Un précédent aux États-Unis
Nestlé aurait pu éviter ce scandale sanitaire. En 2009, aux Etats Unis, des pâtes à cookie du groupe avaient elles aussi présentées des traces de la bactérie E.coli. Le groupe avait alors lourdement dédommagé les familles des victimes.
Sonia fait également partie des victimes de l’affaire. Sa fille Mila a été hospitalisée en avril dernier après avoir consommé une pizza de la marque. Aujourd’hui elle va mieux mais Nestlé a contacté sa mère après un signalement de sa part. Suite à l’appel, Sonia a reçu par mail un bon d’achat d’une valeur de 20 euros, en guise de dédommagement.
Pour Maruse Treton, membre de la CGT de l’agroalimentaire, "ce type de catastrophe devait arriver". En 2015, l’équipe de nettoyage de nuit est supprimée, remplacée par un créneau de production. La syndicaliste dénonce l’absence de contrôle des usines par l’Etat depuis 1998.
Une ancienne cadre sort du silence
Yasmine Motarjemi, ancienne responsable de la sécurité chez Nestlé avait plusieurs fois alerté sur des débordements entre 2000 et 2010, avant d’être licenciée pour "divergence d’opinion". Elle remarque un jour que les ouvriers rentrent avec leurs vêtements de travail dans les toilettes. "Et là, la foudre s'est abattue sur moi: 'pourquoi tu poses cette question. Tu ne comprends pas le business..." explique-t-elle.
Des plaintes ont été déposées un peu partout en France. Le pôle santé du parquet de Paris est chargé de l'enquête. Aujourd’hui, plus de 70 familles attendent d’être entendues par la justice.