Les moines Chartreux stabilisent leur production de liqueur par souci écologique

Créateurs de la célèbre liqueur de Chartreuse, les moines Chartreux ont décidé d'arrêter d'en augmenter la production afin de diminuer la pollution issue de leur activité.

La liqueur de Chartreuse et l'Elixir de la Grande Chartreuse mettent un coup d'arrêt. Les 24 moines du monastère de la Grande-Chartreuse, en Isère, qui gèrent l'entreprise Chartreuse Diffusion dont ils sont actionnaires à 100%, ont pris la décision de cesser la croissance de leur activité lors d'une assemblée générale qui s'est tenue au mois de mars. Une décision qui s'inscrit dans "un choix d'avenir" fait par l'entreprise il y a plus de trois ans: "assumer une croissance raisonnée et une offre limitée de liqueurs sur le long-terme". L'année dernière, le volume des ventes annuelles de Chartreuse a atteint 1,2 millions de litres, "un maximum jamais produit depuis la fin du XIXème siècle", nous indique Chartreuse Diffusion.

"Ce volume ne sera pas amené à évoluer dans les années qui viennent et nous met dans la situation où la production annuelle de Chartreuse ne permet plus de répondre à la demande en France et à l’étranger."

Refus de "la course à la croissance infinie"

En cause, une activité jugée polluante et qui empiète sur le temps dédié à la prière, bien que les moines soient aidés par de nombreux laïcs dans leur travail. "En se fixant cette ligne, nous souhaitons permettre aux moines de rester fidèles à leur vocation première de prière et de solitude au sein de leur communauté et ainsi de préserver l’équilibre de vie au monastère de la Grande Chartreuse, explique Chartreuse Diffusion. Actuellement, trois moines ont la charge de la fabrication de la liqueur. Il est essentiel que cette production n’en sollicite pas plus."

L'entreprise justifie cette limitation des volumes par un refus de "la course à la croissance infinie", la conservation d'une activité d'entreprise "à taille humaine", la préservation de la "biodiversité en limitant le prélèvement des plantes indispensables à la recette des liqueurs" et l'engagement "à contenir puis diminuer nos besoins en énergie et matières premières, dans un contexte d'urgence climatique".

Des exportations en… bateau à voile

La liqueur iséroise rencontre un certain succès, certaines bouteilles du 19ème siècle se vendant même aux enchères. Si la moitié de la production est destinée au marché français, la boisson jouit également d'une renommée internationale, notamment outre-Atlantique, et vis-à-vis de laquelle les moines entendent agir. Sans mettre un terme à leurs exportations, ils prévoient plutôt de la transporter aux Etats-Unis par bateau à voile mais en plus petite quantité. "La distribution de Chartreuse continuera de favoriser les économies locales, en privilégiant une distribution établie plutôt de manière régionale en France et l’accès à nos marchés historiques et limitrophes à l’étranger" souligne Chartreuse Distribution.

"Dans la lignée de ce que nous avons toujours fait, nous continuerons à privilégier la vente directe dans nos boutiques et dans nos canaux de distribution professionnels, les réseaux physiques au détriment de la vente en ligne."

D'après leur entourage cité par Ouest-France, les moines souhaitent uniquement rentrer dans leurs frais: "Leur but n'est pas de voir leur entreprise côtée en bourse." Le chiffre d'affaires de Chartreuse Diffusion connaît pourtant une croissance presque continue depuis 2015 et s'élevait à 21 millions d'euros en 2020.

Timothée Talbi