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Retour dans les airs retardé, facture exorbitante: Boeing et son 737 MAX ne sont pas au bout de leur peine

Un Boeing 737 MAX

Un Boeing 737 MAX - Boeing

Selon une étude du cabinet de conseil Archery Strategy Consulting, Boeing ne devrait pas pouvoir faire revoler son 737 MAX avant le premier semestre 2020. La facture de la crise est quant à elle estimée à "une dizaine de milliards de dollars".

On le croyait quasi-prêt à remonter la pente, c’est visiblement loin d’être le cas. Cloué au sol depuis la mi-mars après avoir été impliqué dans les crashs de la Lion Air et d’Ethiopian Airlines qui ont fait 346 morts au total, le Boeing 737 MAX ne devrait pas retrouver les airs de sitôt. C’est du moins l’analyse du cabinet Archery Strategy Consulting (ASC) relayée par Le Monde qui estime que l’appareil sera immobilisé au moins un an, soit jusqu’au premier semestre 2020.

Pourtant, Boeing s’était montré rassurant lors du Salon international de l’Aéronautique et de l’Espace qui s’est tenu au Bourget fin juin. Face à ses fournisseurs, l’avionneur américain expliquait être en passe d’obtenir la certification de la FAA (Federal Aviation Administration) autorisant la remise en service après avoir mis à jour le système MCAS, logiciel anti-décrochage de l’avion mis en accusation lors des deux catastrophes.

Une remise en service cet été jugée "pas réaliste"

Un réajustement qui a conduit Boeing à envisager la remise en service du 737 MAX dès le mois d’août. Mais ASC, qui a conduit une étude évaluant les différents scénarios de sortie de crise, n’y croit pas. Un retour des vols commerciaux à l'été, comme le prévoit l'un des scénarios étudiés, "n’est pas réaliste", estime Marc Durance d'ASC. D’autant que la FAA a décelé une nouvelle anomalie fin juin en effectuant des tests sur simulateurs, cette fois au niveau d’un microprocesseur utilisé pour activer des panneaux à l’arrière de l’appareil, servant là-encore à sa stabilisation. Le calendrier dépendra au final de l'ampleur des modifications à apporter à l'appareil. 

Dans ces conditions, même la prévision tablant sur une reprise des vols d’ici à la fin de l’année semble "très optimiste". "Il faudrait que les planètes s'alignent", souligne Marc Durance. Car un autre problème se pose: celui du manque de simulateurs adaptés à l'appareil. Actuellement, il n’en existerait qu'une dizaine dans le monde. La formation des 4000 pilotes -qu'ils réclament eux-mêmes- prendra donc forcément du temps. Même si tous n'auront pas nécessairement besoin d'être formés dans l'immédiat pour que le 737 MAX puisse revoler, il est tout de même nécessaire qu'une "masse critique de pilotes" le soit. ASC estime qu'il faut au moins "deux à trois mois" pour que suffisamment de pilotes soient formés. 

Certifications 

Enfin, Boeing espère obtenir les autorisations de l’ensemble des autorités aériennes. Ce qui est loin d’être fait. Quand bien même la FAA donnerait son aval, resterait à convaincre l’Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA) mais aussi la Chine. Si le PDG de Boeing Dennis Muilenburg a affirmé que les différentes agences ont la "volonté de converger", la Chine pourrait faire preuve de plus grandes réticences et "prendre un peu plus de temps" compte tenu notamment des "relations commerciales tendues" avec les États-Unis, explique Marc Durance selon lequel "ce n'est pas un scénario inconcevable". Si tel était le cas, 30% des 4425 MAX figurant sur le carnet de commandes seraient impactés.

L’ensemble de ces problématiques ont ainsi conduit ASC a opter pour le scénario "médian", à savoir une remise en service au premier semestre 2020, sachant qu'avant la formation des pilotes, "il faut trois mois" entre la présentation des correctifs à apporter à l'appareil, laquelle n'a officiellement pas encore eu lieu, et la délivrance de la certification, précise Marc Durance. 

"Une dizaine de milliards de dollars"

Le scénario du pire dans lequel Boeing verrait ses correctifs refusés par la FAA et serait contraint de "réaliser une modification majeure du design du 737", est quant à lui jugé "très peu probable". Mais dans le cas où il se réaliserait, la remise en service de l'appareil n'interviendra pas au moins avant 2021.

Reste la question de la facture d’une telle crise. Si elle s’avère très difficile à chiffrer, le coût pour Boeing est estimé à "une dizaine de milliards de dollars" avec notamment 800 millions de dollars de dommages et intérêts à verser pour immobilisation auxquels il faut ajouter le coût pour retard de livraisons, le dédommagement des victimes, la formation des pilotes, les différents correctifs apportés et l’annulation de commandes.

Paul Louis