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Ce drone sous-marin déminera bientôt les océans quasiment sans intervention humaine

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Le français Thales a mis au point un nouveau dispositif de lutte contre les mines sous-marine. Premier objectif de ces robots-démineurs pilotés à distance: protéger les sous-marins nucléaire et le porte-avions Charles-de-Gaulle. La livraison à la Marine Nationale et à la Royale Navy devrait débuter en 2022.

Les drones militaires ne sont pas que des engins volants. Il en existe aussi des versions sous-marines. Et le ministère des Armées compte sur Thales pour en doter la marine nationale. Le robot connecté et pilotable à distance mis au point par le groupe français sera capable d'identifier et neutraliser les mines marines éparpillées un peu partout sur le globe. Une vraie plaie.

"Il y en a des dizaines de milliers dans les mers pour endommager ou détruire des navires de guerre ou marchands", explique Alexis Morel, vice-président chargé des activités sous-marines de Thales. "Certaines mines datent des guerres du XXe siècle, d'autres plus récentes peuvent être très perfectionnées. La mine est l'arme de lutte asymétrique par excellence".

Selon ce spécialiste, la profusion des mines s'explique par leur prix et leur simplicité. Les plus rustiques coûtent quelques centaines d'euros et quelques milliers pour celles dotées de technologies. Elles sont utilisées par des États, des terroristes ou des pirates et ne sont pas soumises à la législation des mines anti-personnelles interdites depuis 1992.

Jusque-là, le déminage est réalisé par des plongeurs naviguant sur l'un des sept chasseurs de mines de la Marine Nationale. A leur bord, un équipage de 35 hommes. Chaque année, ils parviennent à détruire près de 3000 mines.

Pour éradiquer ce fléau des mers sans risque humain, Thales a donc mis au point un dispositif totalement pilotable à distance par une équipe de dix personnes. Il se compose d'un drone de surface qui patrouille dans les zones à déminer, à raison d'un mile nautique carré à l'heure heure, soit deux à trois fois plus qu’un chasseur de mines traditionnel. A son bord des drones sous-marins qui vont identifier les mines et les détruire.

Un humain déclenche la mise à feu à distance

Le processus est simple. Un sonar scrute les fonds marins. Lorsqu'une mine est détectée, un drone sous-marin est envoyé pour vérifier l'information. Il prend des photos qui sont envoyées à la base par un réseau de transmission sécurisée pour identifier le type de mines grâce à une intelligence artificielle. Si l'information est confirmée, un bras articulé dépose une charge explosive pour neutraliser l'engin. La mise à feu est déclenchée à distance au moment voulu sur ordre d'un officier. Le robot est équipé de trois charges si d'autres mines sont à neutraliser dans une même zone.

Le système présenté par Thales est le fruit d'une collaboration industrielle international. Le drone de surface a été conçu par l'américain L3 Harris. Les drones sous-marins jaunes sont produits par le Français Eca Robotics. Le bras articulé qui dépose la charge explosive sur la mine provient des usines du Suédois Saab. Thales a installé l'un de ses sonars sous-marin et le tout a été assemblé par ses équipes de Plymouth en Grande-Bretagne et de Brest en France.

Après quelques 400 heures de tests, deux démonstrateurs seront présentés en avril simultanément à Brest et à Plymouth, pour être validés par les autorités militaires compétentes. Thales devrait ensuite signer un contrat évalué à 500 millions d'euros avec la Marine Nationale et la Royal Navy pour dix dispositifs anti-mines, répartis à 50/50 entre Français et Britanniques. Le groupe se tient prêt à faire les premières livraisons dès 2022.

Les premières livraisons dès 2022

Alexis Morel est prudent, mais reste optimiste sur une signature d'autant que le programme SLAMF (système de lutte anti-mines marines futur) inscrit dans la loi de programmation militaire (LPM) prévoit d'équiper la Marine Nationale de quatre nouveaux chasseurs de mines d’ici à 2025 et quatre autres d’ici 2030 (programme SLAMF). Les but est de protéger les sous-marins nucléaires lanceur d'engins (SNLE), le porte-avions Charles de Gaulle, l’accès aux ports français et de soutenir le déploiement d’une force d’action navale. "Rien n'est signé, mais nous sommes raisonnablement confiants", a déclaré Alexis Morel.

Cette signature constituera une revanche sur Naval Group. En mars dernier, Thales s'est fait battre par son rival dans un appel d'offres lancé par la Belgique et les Pays-Bas. Il portait sur la livraison aux deux pays un total de douze navires équipés de drones sous-marin d'Eca Robotics. Un contrat à 2 milliards d'euros sur une dizaine d'années. 

"La Belgique et les Néerlandais n'ont pas choisi notre solution, c'est comme ça, mais ils faut trouver une convergence afin de pouvoir partager les données de terrain avec la France et la Grande-Bretagne", propose Alexis Morel en rappelant que le système de Naval Group utilise un sonar Thales.

Pascal Samama
https://twitter.com/PascalSamama Pascal Samama Journaliste BFM Éco