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Energie

Que représente la filière nucléaire en France?

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Emmanuel Macron va annoncer ce jeudi un programme de construction de nouveaux réacteurs nucléaires. Etat des lieux d'une filière puissante mais controversée.

Après cinq ans de tergiversations, Emmanuel Macron se rendra ce jeudi à Belfort pour dévoiler son plan de relance du nucléaire. Le chef de l’Etat devrait y annoncer un programme de construction de six réacteurs EPR2 avec une option pour huit réacteurs supplémentaires, soit quatorze au total. Il confirmera par ailleurs le rachat par EDF d’une partie de l’activité nucléaire de GE Steam Power, dont les turbines à vapeur Arabelle.

Le président et quasi-candidat à l’élection présidentielle opère ainsi un net revirement alors qu’il insistait en 2017 sur son engagement de réduire la part du nucléaire à 50% de la production électrique.

Une aubaine pour le secteur dont l’avenir était plus qu’incertain eu égard aux critiques dont il est régulièrement l’objet. Car ce sont des choix de politique énergétique pris au sommet de l’Etat à l’heure de la transition écologique que dépendra la survie de toute une filière industrielle -la troisième en France- et des milliers d’entreprises et d’emplois qui la composent.

70% du mix électrique

Avec 56 réacteurs sur son sol, la France est le deuxième pays le plus nucléarisé au monde derrière les Etats-Unis. Aujourd’hui, 70% de la production d’électricité tricolore provient de l’atome. Quatre régions assurent plus de 80% de cette production d’origine nucléaire: l’Auvergne-Rhône-Alpes (22,4%), le Grand Est (21,8%), le Centre val-de-Loire (19,2%) et la Normandie (17,6%).

La majorité des réacteurs (32) ont une puissance de 900 MW et produisent en moyenne chaque mois 500.000 MWh, soit l’équivalent de la consommation de 400.000 foyers. 20 réacteurs ont par ailleurs une puissance de 1300 MW et 4 de 1450 MW.

Reste que le parc, construit entre les années 1970 et la fin des années 1990, vieillit et nécessite des investissements. Le programme dit de "grand carénage" vise à poursuivre le fonctionnement des réacteurs au-delà de 40 ans, et doit coûter près de 50 milliards d'euros. Mais même si leur vie est prolongée jusqu'à 50 ou 60 ans pour certains, les réacteurs finiront par arriver en fin de vie au cours des prochaines décennies.

Un secteur pourvoyeur d’emplois

Le poids de la filière nucléaire en termes d’emplois est sujet à débat. Plusieurs chiffres circulent mais l'estimation qui revient le plus souvent et est repris par la Cour des comptes est le chiffre de 220.000 emplois directs et indirects, soit 6,7% de l’emploi industriel en France. Parmi ces effectifs, 60% ont moins de 45 ans et près de 20% ont moins de 30 ans.

70% des personnes qui travaillent dans le nucléaire sont par ailleurs cadres ou ETAM (employés, techniciens et agents de maîtrise). Si la répartition des emplois de la filière par métier est difficile à connaître, une étude menée sous l’égide du ministère du Travail en 2018 évaluait les effectifs par activité. 6000 emplois directs étaient ainsi dédiés aux "études et développement", 20.000 à la "fabrication et distribution des équipements", 33.000 à "l’installation et construction" et 70.000 aux activités d’ "opérations et maintenance".

Sur la période 2020-2023, la filière qui compte plus de 3000 entreprises dont 85% de TPE/PME prévoit le recrutement de 20.000 personnes. Elle génère chaque année un chiffre d’affaires proche de 46 milliards d’euros, dont 6 milliards à l’export.

Des acteurs majeurs

Si la majorité des entreprises du nucléaire sont de petite ou moyenne taille, on dénombre une poignée d’acteurs majeurs. A commencer par EDF qui est en charge de l’exploitation des réacteurs et assure la production, la vente et la distribution de l’électricité.

De son côté, Orano (ex-Areva) couvre les étapes du cycle du combustible: l’extraction de l’uranium, enrichissement, recyclage, logistique, démantèlement... La filiales d’EDF Framatome (ex propriété d’Areva) est quant à elle spécialisée dans la conception et la construction des réacteurs nucléaires. A cela s’ajoute la contribution d’autres groupes majeurs comme les géants du BTP qui assurent la fourniture des parties et des matériaux non-nucléaires des centrales (ciment, béton, tuyaux, etc.).

A noter que selon le Groupement des Industriels français de l’Energie (Gifen) dans Le Monde, moins d’un quart des plus 3000 entreprises spécialisées dans le nucléaire "ont commencé à travailler dans le secteur du démantèlement".

Le défi des nouveaux EPR

La France ne construit actuellement qu'un seul réacteur de nouvelle génération sur son sol: l'EPR de Flamanville (Manche). Mais le chantier a pris plus de 10 ans de retard pour un coût quasiment multiplié par quatre (12,7 milliards estimés aujourd'hui). Cet échec industriel a soulevé de sérieux doutes sur la capacité de la filière à construire de nouveaux réacteurs en temps et en heure.

Sous la pression du gouvernement, EDF a adopté un plan d'excellence industrielle et dit avoir tiré les leçons des dérives de Flamanville. La construction de nouveaux EPR améliorés (EPR2), censés être plus simples, représenterait toutefois un défi industriel important pour la France.

La filière devra "mettre en place un véritable plan Marshall pour rendre industriellement soutenable cette perspective, et disposer des compétences lui permettant de faire face à l'ampleur des projets et à leur durée", a mis en garde le président de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN).

https://twitter.com/paul_louis_ Paul Louis avec AFP Journaliste BFM Eco