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Malmené par Donald Trump, le solaire est-il encore un investissement d'avenir?

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Alors que les États-Unis amorcent un tournant décisif dans leur politique énergétique, l’avenir du solaire s’inscrit dans une zone d’ombre. De nouvelles perspectives contrastées émergent pour la transition énergétique.

L’énergie solaire, longtemps présentée comme l’un des piliers de la transition énergétique, traverse une période d’incertitude, notamment aux États-Unis. Le retour de Donald Trump à la Maison Blanche remet en question l’élan donné par l’administration Biden, surtout à travers l’Inflation Reduction Act (IRA) qui avait massivement soutenu les projets d’énergie propre. À l’heure où les marchés s’interrogent, faut-il toujours investir dans l’énergie solaire?

L’élection de Donald Trump a provoqué une onde de choc sur les marchés des énergies renouvelables. En témoigne la chute brutale de First Solar, leader américain du secteur, dont l’action a perdu 17% en une journée mercredi 18 juin.

La faute à l'adoption ce même jour par le Sénat américain de la "One Big, Beautiful Bill" de Donald Trump (depuis également adoptée par la Chambre des représentants). Ce texte budgétaire prévoit la suppression progressive des crédits d’impôt pour le solaire d’ici 2028. Une mesure qui viendrait annuler les incitations fiscales majeures accordées durant le mandat de l’ancien président Joe Biden et réduirait considérablement l’attractivité du solaire aux États-Unis.

Dans la continuité de son premier mandat, Trump affiche un soutien affirmé aux énergies fossiles. Dès son investiture, il a réactivé le décret "Unleashing American Energy", symbole d’une politique pro-charbon, pro-gaz et résolument anti-régulation environnementale. Le risque : un déraillement partiel de la transition énergétique américaine accompagné d’un ralentissement des investissements dans le renouvelable.

Une dynamique de long terme qui résiste

Mais faut-il pour autant tourner le dos à l’énergie solaire ? "La transition énergétique se réfléchit sur un temps long, il faut regarder le développement des énergies renouvelables à l’aune de la dynamique plus large du marché énergétique", soutient sur BFM Business Mathilde Pierre, gérante chez Mirova, une société de gestion d'actifs destinée à l'investissement responsable.

Les politiques fluctuent mais les besoins énergétiques, eux, augmentent inexorablement. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) prévoit une croissance de la demande électrique de plus de 2% par an aux États-Unis. Une progression portée notamment par le développement exponentiel de l’intelligence artificielle et des datacenters, très énergivores, consommant à eux seuls entre 2 et 3% de l'électricité mondiale, d’après l'AIE.   

"Dans le contexte actuel, le solaire est finalement parfaitement positionné parce qu’il est compétitif, c’est l’énergie la plus rapide à déployer", explique Mathilde Pierre.

L’experte affirme aussi que "c’est une énergie qui dans de nombreux États américains, en particulier les États du sud, est déjà compétitive d’un point de vue économique". Des États qui sont par ailleurs fortement ensoleillés et exposés au changement climatique. L’énergie solaire constitue une réponse directe aux enjeux de souveraineté énergétique locale, contrairement au nucléaire, qui, comme le précise la gérante chez Mirova, dépend de l’approvisionnement en uranium et fait face à de nombreux défis économiques et techniques. "Tous les récents projet nucléaires ont enregistré des retards extrêmement importants et des dérapages budgétaires très conséquents", indique-t-elle.

Contradictions et opportunités

La stratégie de Donald Trump n’est pas sans paradoxe, comme l’atteste Mathilde Pierre.

"Dans la politique de Donald Trump, il y a un élément plutôt favorable aux politiques climatiques, c’est le fait que ses politiques soient centrées sur une relocalisation industrielle."

De fait, sa volonté de relocaliser l’industrie américaine pourrait, à terme, réduire les émissions liées au transport, le deuxième secteur le plus polluant après celui de l’énergie. Mais pour faire tourner des usines locales, la spécialiste rappelle qu’une source d’énergie abondante et compétitive sera nécessaire. Le solaire pourrait alors revenir au cœur des discussions. 

Par ailleurs, certains crédits d’impôts prolongés jusqu’en 2036 concernent d’autres énergies bas carbone comme l’hydroélectricité, le nucléaire ou la géothermie. Cette redistribution des aides n’éteint pas l’espoir d’un mix énergétique plus propre, mais impose une nouvelle hiérarchie entre les filières.

Un projet solaire géant dans le centre des États-Unis

Entre éclipses politiques et promesses d’avenir, un projet d’envergure se dessine depuis 2021 au sud des États-Unis. Une initiative portée d’une part par Novasource, une société américaine d'installations solaires photovoltaïques, et d’autre part par Doral Renewables, cotée à la Bourse de Tel-Aviv et qui possède des centaines d'actifs générant des revenus à long terme dans ce secteur.

Situé dans les comtés de Pulaski et de Starke, dans l'Indiana, le projet solaire Mammoth est une initiative s’inscrivant en plusieurs phases qui devrait produire près de 1,6 GW en courant continu d'énergie propre. Irfan Bharde, vice-président principal et directeur commercial de Novasource, est convaincu que "le projet Mammoth Solar représente une approche révolutionnaire de l'agrivoltaïque (...) qui établit de nouvelles références dans l'industrie en matière d'échelle, de durabilité et d'innovation". Un projet en trois phases qui devrait augmenter la base solaire installée de l'Indiana de plus de 20%.

"Le solaire en Bourse reste-t-il prometteur malgré D. Trump ?" – 18/06
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Cette installation agrivoltaïque parmi les plus importantes des États-Unis laisse croire en l’énergie solaire malgré les risques accrus à court terme liés à l’incertitude politique et réglementaire. Néanmoins, la trajectoire mondiale reste favorable : selon l’AIE, les énergies renouvelables devraient produire plus d’un tiers de l’électricité mondiale dès 2025, dépassant historiquement le charbon.

Les chiffres publiés par Enedis à l’été 2024 révèlent que 556.039 foyers français étaient déjà équipés de panneaux solaires. Et, d’après une étude menée par l’Ifop, 65 % d’entre eux estimaient que leur installation était rentable.

Ainsi, le solaire reste une pièce maîtresse de la transition énergétique, malgré les vents contraires. Les investisseurs avisés seront amenés à arbitrer avec la volatilité de ce secteur puisque si le soleil ne brille pas toujours sur les marchés, il reste essentiel à l’avenir énergétique de la planète.

Lilas Bourdon