Les investissements de Totalenergies toujours très orientés vers les énergies fossiles

L'assemblée générale de Totalenergies sera particulièrement scrutée ce vendredi, notamment par de nombreuses ONG environnementales. Ces dernières années, certaines d'entre elles ont appelé les investisseurs y participant à manifester leur désaccord avec la stratégie du géant pétrolier français qui ne serait pas en phase avec les objectifs climatiques fixés par certains organismes internationaux. Parmi ces ONG figure notamment Reclaim Finance qui plaide pour un vote contre la réélection de Patrick Pouyanné à la tête de l'entreprise afin de marquer ce désaccord.
Reclaim Finance a récemment analysé les stratégies climat de douze des plus grandes entreprises pétrolières et gazières cotées européennes, américaines ainsi que des compagnies pétro-gazières nationales (NOC) dont Totalenergies. L'objectif de cette analyse est de comparer les objectifs de chaque entreprise à l'horizon 2030 avec la trajectoire du scénario Net Zero Emissions (NZE) d'ici 2050 préconisée par l'Agence internationale de l'énergie (AIE) afin de limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré. A l'instar des onze autre acteurs, le représentant français est encore loin de suivre cette trajectoire.
Une production de pétrole et de gaz près de 60% supérieure au niveau requis par l'AIE jusqu'en 2028
Depuis 2021, Totalenergies a ainsi investi pas moins d'un milliard de dollars dans l'exploration pétrolière et gazière. Rien que l'année dernière, la compagnie pétrolière a a investi 7,5 milliards de dollars dans cette activité ainsi que dans la production de pétrole et de gaz, tandis que plus de trois milliards d'euros ont été alloués au gaz naturel liquéfié, une énergie fossile sur laquelle mise particulièrement le groupe. En 2023, Totalenergies a surtout particulièrement gâté ses actionnaires, lesquels se sont vus distribuer plus de 16 milliards de dollars. C'est plus du triple du montant consacré à sa branche électricité. Sauf que si celle-ci finance les énergies renouvelables, elle investit également dans des moyens carbonés de production électrique comme les centrales à gaz comme le précise Reclaim France.
Au-delà de ce bilan à contre-courant du scénario NZE de l'Agence internationale de l'énergie, l'ONG s'inquiète surtout des projections de Totalenergies en matière d'investissements dans les prochaines années. Déjà sixième plus gros développeur mondial de champs de pétrole et de gaz et onzième en termes de développement de terminaux de liquéfaction, le groupe prévoit d'augmenter sa production et pétrole et de gaz de 2 à 3% par an d'ici à 2028. "En atteignant cet objectif et en maintenant sa production à un plateau ensuite, sa production sera supérieure de 59% au niveau requis pour s’aligner sur le scénario NZE", souligne Reclaim France.
"En 2030, l’extraction de pétrole et de gaz de TotalEnergies représentera 2,3% de la production mondiale d’hydrocarbures du scénario NZE. Elle représentera 81,5% de la production d’énergie de l’entreprise."
Face à une part du pétrole et du gaz qui représentera plus de 80% du mix énergétique de Totalenergies en 2030, celle des énergies renouvelables fait pâle figure avec ses 10%. Concrètement, la capacité nette installée d'énergie renouvelable du groupe atteindra 66 GW à cet horizon, c'est-à-dire trois fois plus qu'aujourd'hui. En ce qui concerne la production d'hydrogène, elle restera donc particulièrement faible en 2030 et "pourrait reposer en partie sur les énergies fossiles".
BP et Shell sont revenus sur leurs objectifs de baisse de production de pétrole en 2023
Si Totalenergies n'est pas considéré comme un "bon élève" au regard de sa stratégie climat, il n'est pas pour autant le pire élève en la matière. A titre d'exemple, la compagnie britannique BP a investi en 2023 presque deux fois plus d'argent dans l'exploration et la production de pétrole et de gaz. En revanche, étant un acteur moins conséquent que Totalenergies au niveau mondial, BP devrait afficher un écart plus faible avec la trajectoire préconisée par le scénario NZE. Cependant, l'année dernière a été marquée par un rétropédalage du Britannique qui "est revenu sur ses objectifs de baisses de production de pétrole et de gaz, conjointement avec l’affaiblissement de ses cibles de décarbonation."
De son côté, l'Italien Eni n'a investi que 600 millions de dollars dans sa branche intégrant les énergies renouvelables. Ce montant doit un peu plus que doubler d'ici 2027 mais il représentera toujours que 16% des investissements sur cette période. En prévoyant une hausse annuelle de sa production de pétrole et de gaz oscillant entre 3 et 4% jusqu'en 2027, l'entreprise se dirige vers un écart considérable par rapport à la trajectoire du scénario NZE avec une production supérieure de 73% au niveau requis par l'AIE.
Au cours des trois dernières années, Shell a investi 2 milliards de dollars dans l'exploration pétrolière et gazière, soit le double de Totalenergies qu'il a également surpassé en termes de montants distribués aux actionnaires (près de 24 milliards de dollars). En revanche, la compagnie a investi l'an dernier presque deux fois moins que son rival français dans les sa branche incluant les énergies renouvelables (2,7 milliards de dollars). A l'instar de BP, "l’entreprise est d'ailleurs revenue sur ses objectifs de baisse de production de pétrole, conjointement avec un affaiblissement de ses cibles de décarbonation à 2030."