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Guerre en Ukraine: la survie du réseau électrique, nouvelle priorité des Européens

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L'Ukraine est frappée spécifiquement sur ses sites de production électrique. La communauté internationale s'organise pour fournir des armes, mais aussi compenser la destruction croissante du réseau.

Le virage stratégique est clair. Alors que son offensive patine en Ukraine, la Russie multiplie ces dernières semaines les bombardements sur des installations "critiques". Comprendre: des sites énergétiques précieux pour l'approvisionnement en énergie ou en eau de la population ukrainienne. Le 28 octobre dernier, des frappes massives laissaient 4 millions d'Ukrainiens sans courant; depuis, les frappes continuent, notamment dans les grands centre-villes, comme Kiev ou Kharkiv.

Pour y répondre, les Européens promettent de renforcer leurs aides à l'Ukraine. Emmanuel Macron, dans un tweet publié hier, affirmait à l'issue d'un entretien avec Volodymyr Zelensky, vouloir agir vite sur l'énergie - en plus d'un soutien militaire renforcé, notamment sur les dispositifs antiaériens.

L'approvisionnement en eau et les infrastructures électriques ukrainiennes ont subi d'importants dommages dans les attaques russes. Une action est nécessaire avant l'hiver. Nous allons mobiliser rapidement la communauté internationale et le secteur privé."

En visite à Kiev hier, la Commissaire européenne à l'Energie Kadri Simson a rencontré le président ukrainien et discuté des possibilités de déploiement d'une future aide européenne supplémentaire dans le domaine énergétique.

Possiblement tous les sites non-nucléaires affectés

Après des frappes répétées le 28 puis le 31 octobre, où 55 missiles ont été lancés par Moscou (44 interceptés), la situation s'est dégradée rapidement en Ukraine. A Kiev ou Kharkiv, des délestages sont régulièrement opérés pour soulager le réseau électrique, affectant les transports.

Les coupures sont courantes pour les habitants, quand les hôpitaux vivent, de leur côté, avec quelques jours à peine de réserves de diesel; l'un des principaux centres de soins de Kharkiv a aussi dû basculer sur du 180W, contre 220W habituellement.

30% des sites de production sont affectés, souligne la présidence ukrainienne. Dans un entretien au Guardian, le président du gestionnaire de réseau local Ukrenergo, Volodymyr Kudrytskyi, a souligné que "possiblement" toutes les installations non-nucléaires avaient été touchées. Et avec la destruction des infrastructures, difficile d'acheminer même l'électricité produite par les centrales nucléaires ou celles à charbon. Comme le précise Le Figaro, l'Ukraine manque par exemple de pièces de haute technologie pour les transformateurs.

Avant ces attaques de missiles, l'objectif principal était de fournir autant d'énergie que nos clients en avaient besoin. Mais maintenant, nous parlons de la survie du système", décrit-il.

La dégradation du réseau aurait des conséquences graves sur l'issue du conflit - en première ligne, les réseaux de télécommunications pourraient en pâtir rapidement, alors que l'accès à la constellation satellite Starlink est remis en cause.

Armes, production et distribution

Face à ce risque, les solutions sont complexes. L'Ukraine réclame d'abord des armes: les futures frappes russes pourraient aggraver la situation et Kiev doit intercepter autant que possibles les missiles aériens lancés.

L'Europe pourrait aussi livrer directement une production énergétique sur place : depuis mars, le réseau électrique ukrainien est raccordé au réseau européen, après avoir coupé du réseau russe en février. Les livraisons devaient d'ailleurs plutôt fonctionner dans l'autre sens à court-terme, puisque l'Ukraine avait commencé à produire de l'électricité pour le Vieux Continent en juillet.

Mais la production devra de toute façon suivre les impératifs de reconstruction du réseau, incapable de soutenir la demande. Volodymyr Kudrytskyi avertit ainsi d'un risque de goulots d'étranglement.

"Nous pourrions acheter de l'énergie à l'UE car le système électrique ukrainien est connecté au réseau électrique européen. Cependant, nous pourrions être incapables de fournir ensuite cette énergie à certaines régions, si le réseau est endommagé", souligne le président d'Ukrenergo.

En plus des sites de production, tous touchés à l'exception du nucléaire et des barrages, un tiers du réseau est aujourd'hui hors-service, et les capacités de réparation ukrainiennes sont plus faibles que le rythme des dommages infligés par la Russie.

L'Union Européenne s'est déjà engagée à la reconstruction de ce réseau, et des sites de production. "Ensemble, nous reconstruirons le système énergétique ukrainien, avec plus de renouvelables et plus d'efficacité. Il sera un point central du réseau européen", a déclaré Kadri Simson à Kiev.

La France septième soutien en Ukraine

En attendant qu'accélère la collaboration à l'échelle européenne, la France a déjà affirmé son soutien à l'Ukraine. En mars, elle a fourni du matériel d'urgence ainsi que du matériel de réhabilitation des lignes de communications, et 31 groupes électrogènes. 850 groupes de ce type ont été reçus à l'échelle globale, selon le ministre de l'énergie German Galushchenko.

Sur le plan militaire, Paris a fourni 18 de ses canons Caesar, ainsi qu'une quinzaine de canons tractés TRF1, ainsi que des missiles antichar et anti-aérien, des véhicules de l'avant blindé (VAB), du carburant, des équipements individuels. Et vient de promettre des lance-roquettes LRU, ainsi que des missiles sol-air de courte portée Crotale, et des radars GM200.

Son aide et ses promesses sont chiffrés par le Kiel Institute à 1,145 milliard d'euros, soit la septième contribution au monde. Quatre fois moins que le Royaume-Uni, et deux fois moins que l'Allemagne. Le lancement d'un fonds public de soutien doté de 100 milliions d'euros devrait entériner un lien entre les industriels français et l'armée ukrainienne. Sans précision pour l'instant sur un éventuel volet énergétique: dernièrement, EDF avait subi un camouflet dans le pays, se voyant refuser fin 2021 la construction de plusieurs EPR par la compagnie nationale Energoatom, au profit de l'américain Westinghouse.

Valentin Grille