Construction de nouveaux EPR: les énormes besoins de main-d'oeuvre de la filière nucléaire

C’est depuis Belfort, au cœur de l’usine GE Steam Power, qu’Emmanuel Macron a acté jeudi la relance du nucléaire en France. "Il nous faut reprendre le fil de l’aventure du nucléaire civil", a déclaré le chef de l’Etat. Avant d’annoncer la prolongation de la durée de vie des réacteurs existants au-delà de 50 ans et, surtout, la construction de six nouveaux EPR ainsi que le lancement d’une étude pour huit supplémentaires. Les travaux pour la construction du premier réacteur doivent débuter en 2028 pour une mise en service en 2035.
En attendant, la troisième filière industrielle française va devoir se préparer en mobilisant la main-d’œuvre nécessaire pour mener à bien ces chantiers colossaux. "Le président de la République nous donne la chose la plus importante: de la visibilité qui permet aux industriels de la filière d’investir et de recruter", s’est réjoui sur BFM Business Xavier Ursat, directeur exécutif d’EDF et président du Groupement des Industriels Français de l’Energie Nucléaire (GIFEN). Et d’ajouter: "Le nucléaire est une énergie d’avenir. Il faut que les jeunes nous rejoignent pour nourrir les rangs de tous ceux qui vont construire ces réacteurs".
Le secteur espère en effet que les annonces d’Emmanuel Macron agiront comme un déclic auprès des étudiants: "On avait du mal à embaucher parce que les gens nous disaient: quel est votre futur? Et là, on a un futur et je pense que ça va attirer les talents", souligne auprès de l’AFP Valérie Faudon, déléguée générale de la Société française d’énergie nucléaire (SFEN).
30.000 recrutements
Aujourd’hui, la filière nucléaire compte environ 220.000 emplois répartis dans plus de 3000 entreprises présentes sur tout le territoire. Demain, la construction de six nouveaux EPR nécessitera le recrutement de plus de 30.000 personnes (ingénieurs, techniciens et ouvriers) selon le GIFEN dont "plus de 20.000 pour les chantiers de construction et plus de 10.000 pour l’exploitation et la maintenance", explique le groupement dans un communiqué. Pour la seule centrale de Penly (Seine-Maritime), où deux EPR sont attendus, 10.000 emplois devraient être créés.
Certaines compétences seront particulièrement recherchées dans les prochaines années, comme le précise au Figaro Cécile Arbouille, déléguée générale du GIFEN: "Nous aurons besoin de monde en particulier sur six métiers qui connaissent dans toute l’industrie un déficit d’attractivité depuis longtemps: chaudronnier, mécanicien sur machines tournantes, soudeur, tuyauteur, contrôleur et électricien industriel".
Appelant il y a un mois à mettre en place un "véritable plan Marshall", l’Autorité de sûreté nucléaire estimait de son côté que 4000 recrutements d’ingénieurs par an étaient nécessaires, à la fois pour répondre aux nouveaux projets mais également pour assurer les travaux et opérations de maintenance sur le parc existant.
3300 recrutements chez EDF
EDF, dont le PDG Jean-Bernard Lévy reconnaissait que la filière nucléaire avait "perdu en compétences" après 15 années dans construction de nouveau réacteur, prévoit pour sa part d’embaucher 3300 personnes, dont 1600 ingénieurs.
"Maintenant que nous avons ouvert une perspective et garanti pour les 50 prochaines années un vrai plan de charge pour EDF, je suis certain qu’EDF va retrouver des compétences, du savoir-faire, que les difficultés qu’on a connues vont disparaître", a notamment déclaré vendredi le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire.
Fin 2019, EDF avait dévoilé le plan Excell doté d’un budget de 100 millions d’euros pour la période 2020-2021 et destiné à renforcer la qualité industrielle, les compétences et la gouvernance des grands projets nucléaires. Sur le plan des compétences, l’électricien avait promis un effort pour le recrutement et la formation de soudeurs alors que plusieurs réacteurs, dont celui de Flamanville, ont été confrontés à des défauts de soudure.