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Défense

Nouvelle crise dans l'avion de combat européen Scaf: l'Allemagne en assez des exigences de la France et songerait à larguer Paris pour un autre partenaire

La maquette grandeur nature du Système de Combat Aérien Futur (SCAF) est présentée au Bourget, près de Paris, le 17 juin 2019.

La maquette grandeur nature du Système de Combat Aérien Futur (SCAF) est présentée au Bourget, près de Paris, le 17 juin 2019. - ERIC PIERMONT © 2019 AFP

Le projet européen d'avion de combat du futur, entre la France, l'Allemagne et l'Espagne, est au point mort. L'Allemagne réfléchit à avancer avec d'autres pays, comme la Suède ou le Royaume-Uni.

Le Scaf pique du nez. Le gouvernement allemand envisage sérieusement de larguer la France dans le projet de Système de combat aérien du futur (Scaf). Ce programme militaire à 100 milliards d'euros, censé fournir un remplaçant au Rafale en 2040, est actuellement au point mort en raison de tensions entre le constructeur français Dassault et le groupe européen Airbus, qui représente dans ce dossier l'Allemagne.

Le climat est si tendu que le gouvernement allemand a indiqué à Airbus qu'il envisage concrètement de faire sans la France, selon le média Politico. Berlin pourrait se tourner vers la Suède ou le Royaume-Uni, voire continuer seulement avec l'Espagne.

À ce stade, le Royaume-Uni est engagé dans un autre projet similaire, avec l'Italie et le Japon, appelé "Tempest" ou GCAP. Mais celui-ci ne va pas très bien non plus. Sa réussite "semble impossible" selon l'agence nationale britannique chargée de la transformation des infrastructures et des services (NISTA), qui l'a récemment noté en "rouge". La Suède a d'ailleurs quitté ce programme GCAP fin 2023, ce qui rend l'avionneur suédois Saab éventuellement disponible pour travailler sur le projet avec l'Allemagne.

Répartition des tâches

Au-delà de la construction d'un nouvel avion de combat, le Scaf doit faire naître tout un système de combat interconnecté, reliant des avions de surveillance, de ravitaillement et des drones. Il a été lancé en 2017, peu après l'arrivée au pouvoir d'Emmanuel Macron, en même temps que le MGCS destiné à développer un système de char de combat. Sur le papier, la France devait être leader pour le Scaf et l'Allemagne pour le MGCS. Le tout devait incarner l'unité européenne et la force du couple franco-allemand.

Mais les deux projets ont été considérablement ralentis par des désaccords sur la répartition des tâches. Si le MGCS a fini par se débloquer, le Scaf est toujours bloqué à la phase précédant la construction d'un démonstrateur. Concrètement, le français Dassault regrette de ne pas être suffisamment reconnu comme le leader, alors qu'il met en avant une compétence unique illustrée par le succès commercial du Rafale. Or, Berlin refuse de revenir sur la répartition des tâches.

"Dassault considère que le background (les technologies, ndlr) qu'il détient et qui servira à développer le futur Scaf constitue la richesse de l'entreprise. Il ne veut pas le céder. C'est un point de vue qui est légitime", explique Jean-Pierre Maulny, directeur adjoint de l'IRIS, dans une note.

Dans le même temps, "l'État allemand considère qu'il va payer pour financer une capacité militaire, mais que s'il n'a pas accès à ce background, il ne pourra pas redévelopper ce matériel. Il aura acquis un objet, mais il n'en aura pas la maîtrise. C'est un point de vue également légitime", poursuit Jean-Pierre Maulny.

Une réunion au sommet doit avoir lieu en octobre, alors que toutes les parties entendent prendre une décision finale d'ici la fin de l'année. S'ils tombent d'accord, la France, l'Allemagne et l'Espagne pourront enfin lancer la construction d'un démonstrateur.

Cette situation n'est pas sans rappeler le milieu des années 1980, lorsque la France avait quitté le projet d'avion de combat européen –un projet initié avec l'Allemagne, l'Espagne, l'Italie et le Royaume-Uni (qui créeront l'Eurofighter)– et lancé le développement du Rafale.

P.La.