ÉDITO. Les cinq défis stratégiques de notre industrie de défense

Pour se réarmer, l'Europe va devoir produire plus et plus vite. Pour l'heure, ceux qui veulent rapidement du matériel militaire doivent se tourner vers les étagères américaines.
Mais comme l'Europe s’apprête à mettre 800 milliards d’euros sur la table pour se réarmer, autant faire en sorte que cette montagne d’argent ne parte pas directement dans les poches de l’Oncle Sam, qui par ailleurs est lui est en train de faire les nôtres, de poches, avec la mise en place de nouveaux droits de douane.
La bonne nouvelle, c'est que pour répondre à la demande qui va exploser, la France dispose d'une base industrielle et technologique de défense (BITD) robuste. Nous sommes deuxième exportateur mondial d’armes (10,9 % de parts de marché). Certes, loin derrière les Etats-Unis (41,7 %), mais devant la Russie (10,5 %), la Chine (5,8 %) et l'Allemagne (5,6 %).
Merci Dassault, Thalès, Safran, MBDA… Merci aussi les 4.000 PME et ETI de défense. Mais cette BITD a besoin d’être consolidée. Le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, a d’ailleurs demandé aux gros industriels de la défense d'aider les PME de la filière et de développer un plan stratégique dans les semaines qui viennent. Pour qu’enfin on accélère sur la production et qu’on bascule en économie de guerre.
Quelles sont les priorités?
Vincent Desportes, directeur au sein du cabinet de conseil international spécialiste de l’industrie Avencore en liste cinq.
- Traduire le plus rapidement possible les budgets en carnets de commandes. Les PME ont besoin de visibilité. Ça, c’est le rôle de la direction générale de l'armement (DGA).
- Trouver des capacités de production déjà disponibles dans le civil pour les transformer en unité de production militaire. Les délais d'obtention pour les autorisations d'usines nouvelles sont trop longs en France. À Bergerac, vous avez l’exemple de l’usine Eurenco, qui fabrique de la poudre pour les gros calibres, qui attend encore ces dernières autorisations alors que cela fait deux ans qu'elle a rapatrié cette activité, auparavant localisée en Suède.
- Il faut s'inspirer des innovations du civil pour faire du militaire (traditionnellement, c'est l'inverse). L’économie de guerre, c’est quand tout est orienté vers la défense.
- Il va falloir standardiser la production au niveau européen, au moins sur les produits les moins technologiques comme les munitions. On doit pour pouvoir s’échanger les minutions entre fantassins européens. C’est important. Un accord a été passé entre neuf pays européens pour standardiser les munitions légères.
- Enfin, il va falloir former des jeunes rapidement. On a un grand déficit de col blancs et de col de bleus dans l’industrie de l’armement.
Accélérer davantage
Les choses avancent doucement depuis 2022. En février 2022, la France produisait deux canons Caesar par mois. Aujourd’hui, on envisage d’en faire 12 par mois. On a doublé nos capacités de radars mobiles pour la surveillance aérienne.
Mais il faut encore accélérer si l'on ne veut pas rater le virage menant des dividendes de la paix aux dividendes de la guerre.