Choc fiscal massif ou faire travailler 2 millions de personnes en plus: les efforts "titanesques" pour atteindre les 5% du PIB pour la défense

Une usine d'armement de KNDS en France. - KNDS
Comment financer la facture et soutenir l'effort de défense de la France? Entre dépense publique maîtrisée, hausse du taux d'emploi et financement européen, la note de France Stratégie publiée ce lundi préconise de combiner plusieurs moyens pour assurer l'important besoin de financement du réarmement de la France, au moins 100 milliards d'euros d'ici 2030.
"Le recours à un levier unique semble irréaliste au vu de l'ampleur de l'effort requis", indiquent France Stratégie et le Haut-commissariat au plan dans une note. "Le juste équilibre entre ces différents leviers devra faire l'objet d'un débat démocratique", ajoutent-ils.
Quant à une cible à 5% du PIB, les efforts nécessaires seraient "titanesques".
La France consacre environ 2,03% de son produit intérieur brut (PIB) à des dépenses militaires, selon les derniers chiffres publiés par l'Otan. Le budget de la défense a été porté à 50,5 milliards d'euros pour l'année 2025 et devraient atteindre 67,4 milliards en 2030, selon les projections budgétaires de la Loi de programmation militaire 2024-2030.
Un engagement difficilement tenable
"Il faut remonter à 1970 pour trouver un effort de défense de 3,5% du PIB et à 1962 pour trouver un niveau à 5%", peut-on lire dans le rapport de France Stratégie. "En outre, de telles hausses n'ont jamais été réalisées en France depuis le début de la Ve République."
Un effort de 2,9% du PIB d'ici 2030 représenterait un montant de 100 milliards d'euros courants, et l'objectif affiché de 3,5% pèserait 120 milliards, soit deux fois plus qu'en 2024, quand les États-Unis demandent 5% aux pays de l'Otan - soit 172 milliards pour la France.
Une véritable gageure dans un contexte déjà très contraint pour les finances publiques du pays, qui affichait le plus important déficit public de la zone euro en 2024 (5,8% du PIB) et le troisième plus gros endettement (113% du PIB).
Une cible de 3,5% en 2030, à laquelle s'ajouterait 1% du PIB d'investissements publics en faveur de la transition écologique, nécessiterait de ramener à partir de 2025 à 0,9% par an (soit 15 milliards d'euros) la croissance des autres dépenses publiques, contre 3,2% annuels en moyenne entre 2001 et 2023.
"De tels efforts seraient totalement inédits", pointe France Stratégie, organisme chargé de conseiller le gouvernement, affectant "forcément les montants alloués aux prestations sociales".
En tablant uniquement sur une hausse des prélèvements obligatoires, ceux-ci devraient augmenter de 3,7% par an en moyenne (soit 61 milliards par an ou 15 milliards de plus par rapport à leur évolution spontanée avec l'activité et l'inflation).
Ce "choc fiscal massif" affecterait l'activité: cela reviendrait à "une hausse de 2 points de la TVA chaque année pendant cinq ans, soit près de 10 points au total!", illustre la note.
La seule amélioration du taux d'emploi nécessiterait de l'augmenter de 4,7 points en cinq ans, soit 1,9 million d'emplois.
Un autre levier serait de recourir à un endettement commun au niveau de l'UE.
En combinant ces moyens, chacun contribuant par exemple pour un quart à l'effort, "les ordres de grandeur apparaissent alors moins intimidants", estiment les auteurs.
Le levier européen
Dans son éditorial, le Haut-commissaire au Plan et commissaire général de France Stratégie Clément Beaune déclare que "la clé du problème passe par l’Europe".
Il évoque l'option d'un emprunt européen, pour "faciliter les efforts nationaux", ainsi qu'une "spécialisation industrielle nationale", à savoir la nécessité pour les pays de se focaliser sur des compétences spécifiques, pour développer des coopérations par la suite.
Clément Beaune préconise également une nouvelle forme de gouvernance au niveau européen pour faire coïncider les agendas nationaux et européens.
Le Haut-commissariat au plan a prévu de mener plusieurs études sur les finances publiques et la défense au cours de l'année à venir.