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Avant les bipeurs piégés, ces autres opérations de guerre qu'aucun État n'a revendiquées

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L'attaque aux bipeurs contre le Hezbollah est loin d'être unique. Tous les pays usent de stratagèmes souvent illégaux pour nuire à leurs adversaires ou assassiner. BFM Business revient sur cinq opérations jamais revendiquées par leurs auteurs.

La guerre conventionnelle se mène généralement armes à la main entre soldats sous les règles de la convention de Genève. Il n'en va pas de même pour les guerres hybrides, celles qui se déroulent partout, sans règles et sans uniforme.

L'exemple le plus récent de ces combats de l'ombre est l'attaque du Hezbollah avec des bipeurs et des talkies-walkies piégés. Non revendiquée, elle s'est déroulée dans des zones civiles et sans armes conventionnelles, faisant des victimes parmi les civils. Aucun État n'a revendiquée ces attaques, mais selon le New York Times, elles ont été orchestrées par Isräel. Une série d'explosions qui marque une "escalade extrêmement inquiétante", a affirmé l'ONU.

Une manière de procéder en dehors de tout cadre et sans le revendiquer qui n'est pas une première pour un pays. Par le passé on retrouve d'autres exemples d'attaques hybrides non revendiquées qui ont surpris leurs adversaires.

• Le programme nucléaire iranien cyberattaqué via une clef USB

Introduire un virus dans les ordinateurs d'un complexe industriel parmi les plus protégés du monde. C'est que qu'ont réussi à faire les services secrets américains et israéliens. Le but était de neutraliser le programme nucléaire iranien avec l'opération Olympic Games.

Pendant cinq ans, les deux pays ont mis au point Stuxnet, un virus open source qui a été diffusé en 2010 d'une manière inattendue. Pour le faire entrer sur le site, ils ont laissé traîner des clés USB près de la centrale nucléaire. Un employé en a ramassé une puis inséré dans un ordinateur. En quelques heures, le ver s'est répandu dans le réseau bloquant le programme nucléaire et provoquant un retard de deux ans.

Photo d'archives montrant un inspecteur de l'AIEA dans le complexe nucléaire de Natanz en Iran, le 20 janvier 2014
Photo d'archives montrant un inspecteur de l'AIEA dans le complexe nucléaire de Natanz en Iran, le 20 janvier 2014 © KAZEM GHANE © 2019 AFP

L'opération a fait des dégâts collatéraux totalement imprévus. L'employé qui a trouvé la clé USB l'a aussi connecté sur un PC privé connecté à Internet déclenchant ainsi une infection à échelle mondiale incontrôlable. En quelques heures, le ver s'est répandu dans 45.000 systèmes informatiques en Allemagne, en France, en Inde et en Indonésie.

Aucun gouvernement n'a reconnu la paternité de Stuxnet. Un indice est apparu fortuitement en 2011 dans une vidéo ou un haut responsable des services israéliens fêtait son départ en retraite en félicitant ses équipes du succès de l'opération. Mais à ce jour, cette cyberaction n'a jamais été revendiquée.

• Nord Stream, un sabotage en eau profonde

Le 26 septembre 2022, trois explosions éventrent Nord Stream 1 et 2, un gazoduc russe à 80 mètres de profondeur de la mer Baltique. Cette conduite relie la Russie à l'Allemagne et achemine le gaz russe vers l'Europe. À la surface, la fuite de gaz provoque des bouillonnements jusqu'à 1 kilomètre de diamètre.

Cette opération toujours non revendiquée est en partie à l'origine de la crise énergétique qui a touché toute l'Europe. Qui en est à l'origine? Les Américains, les Ukrainiens, des Russes, des Européens? À l'époque, tout le monde s'interroge.

Deux ans plus tard, une enquête du Wall Street Journal pointe la responsabilité de Kiev qui aurait tenté d'entraîner dans la guerre ses alliés européens et couper la Russie de financement.

La fuite du gazoduc Nord Stream 2 en mer Baltique le 27 septembre 2022
La fuite du gazoduc Nord Stream 2 en mer Baltique le 27 septembre 2022 © Handout / DANISH DEFENCE / AFP

Selon le quotidien américain, cette opération aurait été imaginée un soir lors d'une rencontre entre militaires et hommes d'affaires qui l'auraient financée à hauteur de 300.000 dollars. Une équipe de six saboteurs auraient discrètement loué un voilier se faisant passer pour des plaisanciers.

Parmi eux, des plongeurs de combat aussi expérimentés que les commandos Hubert de la Marine nationale. Leur mission a été de fixer des charges explosives à 80 mètres de profondeur pour détruire le gazoduc. Toujours selon le WSJ, l'opération était supervisée à distance par le commandant en chef de l'armée ukrainienne.

La CIA aurait tenté d'interrompre l'opération qui risquait de provoquer une crise énergétique sans précédent en Europe. Quand Volodymyr Zelensky a donné l'ordre de tout arrêter l'équipage était déjà sur le voilier sans aucun moyen de recevoir le contre ordre. Bien sûr, tout cela n'a jamais été confirmé, ni démenti par aucun gouvernement.

• Les belugas espion de la Russie

Même Ian Fleming, le père de James Bond, n'y avait pas pensé. Les Russes ont dressé un beluga pour espionner en mer Noire. Hvaldimir, c'est le nom qui lui a été donné, a été découvert en 2019 dans les eaux de l'Arctique norvégien.

Sebastian Strand, un biologiste marin de l'organisation OneWhale l'a encore aperçu en 2023 dans le fjord d'Oslo, puis au sud de la mer du Nord. Ce qui a étonné ce scientifique est que l'animal n'avait rien à faire dans cet espace.

Mais surtout, le cétacé portait un harnais équipé d'un socle pour fixer une caméra miniature. C'est ce dispositif qui a permis d'identifier qui était derrière cette opération d'espionnage. Sur les lanières de ce support, était imprimé "Equipment St.Peterburg".

• L'assassinat d'opposants russes au composé radioactif

"Meurtre au Polonium". C'est le nom d'une série britannique diffusée en 2006, en France sur M6. Elle raconte comment la Russie a éliminé un ancien agent du KGB réfugié à Londres. La méthode est terrifiante. Il a ingéré du polonium, une substance radioactive presque indétectable.

En fait, la réalité a inspiré la fiction. Alexandre Litvinenko a été éliminé en 1998 lors d'une opération spéciale du FSB suivie par Vladimir Poutine en personne comme l'a affirmé la victime à des agentes de Scotland Yard avant de mourir. Litvinenko avait dénoncé des missions illégales des services russes, dont l'assassinat de l'homme d'affaires et homme politique Boris Berezovsky.

La méthode semble tirée d'une fiction. À l'invitation de deux anciens collègues du FSB, Alexandre Litvinenko se rend à l'hôtel Millenium pour prendre le thé. Les deux hommes ont créé une société de sécurité et ont besoin d'un coup de main pour décrocher un contrat. Deux heures après avoir bu son thé, Litvinenko se tord de douleur et doit être hospitalisé. Ses reins et sa moelle osseuse se détériorent et ses cheveux tombent brusquement comme s'il avait été exposé à de fortes radiations. Il meurt peu après.

Selon sa veuve, Litvinenko aurait travaillé pour le MI6, les services secrets britanniques qui disent avoir la preuve d'un assassinat commis par les services secrets russes. Le Service des renseignements extérieurs de la fédération de Russie (SVR) a formellement démenti et pointé "le mauvais état de santé d'Alexandre Litvinenko".

• Une arme de destruction massive utilisée dans un aéroport pour tuer le frère de Kim Jun-Un

Qui connait l'agent VX? Ce n'est pas une personne, mais un poison ultra puissant capable de donner la mort en quelques secondes. Il est même classé dans la catégorie des armes de destruction massive par les Nations Unies. Il s'agit de la version la plus mortelle du sarin. C'est avec cette substance neurotoxique que Kim Jun-Un a fait assassiner son demi-frère, Kim Jong-Nam, de la façon la plus banale.

Des personnes regardent la télévision à Séoul, en Corée du Sud, diffusant des informations sur l'assassinat en Malaisie de Kim Jong-Nam, demi-frère du leader nord-coréen Kim Jong-Un, le 14 février 2017
Des personnes regardent la télévision à Séoul, en Corée du Sud, diffusant des informations sur l'assassinat en Malaisie de Kim Jong-Nam, demi-frère du leader nord-coréen Kim Jong-Un, le 14 février 2017 © JUNG Yeon-Je, AFP/Archives

L'assassinat a eu lieu en 2017 dans l'aéroport de Kuala Lumpur en Malaisie. Kim Jong-Nam attendait son avion quand une femme s'est jetée dans ses bras. Quelques instants après, une seconde est à son tour venu l'enlacer comme l'ont montré les caméras de surveillance. Elles ont tour à tour discrètement aspergé la victime avec l'agent XV. Il est mort en quelques minutes avant même d'avoir pu utiliser un antidote qu'il avait dans son sac, preuve qu'il se sentait menacé par ce type d'attaque.

Les accusations se sont aussitôt portées sur la Corée du Nord qui les a officiellement rejetées en accusant la Malaisie d'être responsable de l'assassinat. En conséquence, Washington a déclenché de nouvelles sanctions économiques contre Pyongyang.

Pascal Samama
https://twitter.com/PascalSamama Pascal Samama Journaliste BFM Éco