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Comment Crédit Suisse finance les yachts de milliardaires sur les marchés

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La banque gestionnaire de fortune a attiré des fonds d'investissements dans des prêts garantis par des actifs de luxe, malgré des défaillances régulières.

Connue pour ses clients très fortunés, la banque Crédit Suisse s'intéresse aux différentes sphères de ce monde particulier des grandes fortunes. Le Financial Times a eu accès à une note de présentation aux investisseurs, émise par l'établissement en fin d'année dernière, où les yachts ont la part belle.

Il permettait à des fonds spéculatifs d'acheter pour 80 millions de dollars de risque, sur des prêts fait par la banque à ses clients "de très haute valeur". Ces prêts, chiffrés à 2 milliards de dollars, sont notamment accordés à de très riches entrepreneurs et oligarques. Ils ont pour spécificité d'être garantis par les actifs achetés par ces riches client, des yachts notamment.

En clair, la banque finance l'achat de bateaux de luxe à sa clientèle fortunée: si celle-ci peut rembourser, elle le fait, et dans le cas contraire, les bateaux sont repris par la banque en guise de contrepartie. Le service de Credit Suisse dédié à ces opérations, rapporte le FT, justifie ainsi le recours à ces prêts destinés à payer les yachts, mais aussi les jets privés de ses clients :

"Créer une image de marque positive pour Crédit Suisse, en finançant les outils de travail préférés des emprunteurs (jets privés) et leurs accessoires de luxe (yachts)"

Oligarques russes et taux d'intérêt élevés

Tenue de présenter à ses potentiels soutiens financiers les risques associés à ce nouveau produit financier, Crédit Suisse fait mention de 12 défauts de paiement, ne serait-ce qu'entre 2017 et 2018.

Un tiers d'entre eux proviennent d'oligarques russes, sanctionnés par les Etats-Unis sur la période. Les frères Arkadi et Boris Rotenberg, proches du Kremlin et propriétaires de deux mastodontes de la construction, SGM et Mostrorest, ont dû résilier leur prêt à ce moment là. C'est aussi le cas d'Oleg Deripaska, président du géant de l'aluminium Rusal.

Pour attirer les fonds d'investissements prêts à investir dans ces actifs risqués, Crédit Suisse a logiquement dû proposer des produits financiers dérivés, grassement rémunéré, à plus de 11%. Ces taux pouvait aller jusqu'à 80% pour des produits dont les contreparties - des actifs financiers détenus par les très riches clients en question - étaient encore moins fiables. Le tout, sur l'International Stock Exchange des îles anglo-normandes de Jersey et Guernesey, considérées comme des paradis fiscaux.

Des financements atypiques et en hausse

Ce type de montage financier, qui permet au gestionnaire d'actifs de réduire son risque sur des prêts, est inhabituel : le recours à des dérivés se fait généralement avec des actifs immobiliers ou des portefeuilles plus sûrs en guise de contrepartie.

Mais Credit Suisse, présent depuis longtemps sur la niche des jets privés, a augmenté ces dernières années ses prêts liés à des yachts, malgré l'instabilité financière possible de ses clients et l'impact environnemental de ces appareils. enbtre 2014 et 2021, relève le FT, les prêts finançant ces bateaux sont passés de 150 millions de dollars à plus d'un milliard.

La banque traverse une période compliquée : impliquée dans les scandales Archegos et Greensill, elle a vu son président du conseil, António Horta-Osório, démissionner début 2022 après avoir enfreint à plusieurs reprises les règles sanitaires d'isolement.

Valentin Grille