Casino enclenche sa restructuration en douceur

Jean-Charles Naouri ne changera pas sa nature à 73 ans. Après trente années d’opérations financières complexes, il prépare un nouveau coup aux allures "baroques". Le PDG de Casino a officialisé il y a dix jours l’ouverture de discussions "exploratoires" avec Teract, la société détenue par la coopérative InVivo. Il est en train de regrouper ses enseignes en France, Monoprix, Franprix et Naturalia au sein d’une même entité. Et envisage de la fusionner avec Jardiland et Gamm Vert, celles de Teract, dirigée par son plus gros franchisé, Moez-Alexandre Zouari. Compte tenu du poids respectif des deux groupes, Casino serait majoritaire dans cette nouvelle société de la grande distribution en France.
Mais leurs pourparlers se complexifient alors qu’ils envisagent de créer une seconde société commune. Une centrale d’achat en produits bio, venant de la coopérative InVivo qui chapeaute Teract, alimenterait Monoprix et Franprix. Casino en serait cette fois actionnaire minoritaire. "Elle pourrait aussi être introduite en Bourse afin de maximiser la valeur du chiffre d’affaires grâce à Monoprix et Franprix" nous explique une source proche du dossier. Les négociations pourraient aboutir pour la publication des comptes annuels de Casino, le 28 février.
Transfert de dette
Pour Jean-Charles Naouri, ce schéma est avant tout financier, les analystes d’Alpha Value n’y voit d’ailleurs "aucune synergie commerciale". Il lui permettrait de faire coup double. D’abord, il valoriserait directement en Bourse ses pépites Monoprix et Franprix. Elles sont aujourd’hui "noyées" dans Casino, qui croule sous 6 milliards de dettes, et ne vaut donc plus que 1,2 milliard d’euros en Bourse. Ensuite, il pourrait désendetter Casino... Facialement en tout cas.
Selon plusieurs sources proches des négociations, une partie de la dette du groupe serait transférée à la nouvelle société commune à Casino France et Teract. Selon Bryan Garnier, 2,3 milliards de dettes pourraient ainsi "atterrir" sur cette nouvelle entité. Le solde de 3,6 milliards d’euros resterait logé chez Casino. "On désendette Casino pour endetter Casino France", résume une source proche du groupe. Contactée, la direction rappelle que les discussions viennent tout juste de commencer et qu’il ne fallait pas "tirer de conclusions hâtives". Mais ne dément rien…
Gérer Casino comme un patrimoine financier
En acceptant un "gros paquet" de dettes de Casino, Teract négociera une part plus importante au capital de la nouvelle société. Alors que son poids ne devrait lui attribuer qu’environ 10%, les analystes de Bryan Garnier estiment que Teract pourrait en détenir jusqu’à 35% du capital contre 65% pour Casino. Cette société serait ensuite introduite en Bourse et pourrait accueillir jusqu’à 25% d’actionnaires minoritaires pour assurer à Casino de rester premier actionnaire avec environ 40% du capital. Ces équilibres financiers sont au cœur des discussions entre Jean-Charles Naouri et Moez-Alexandre Zaouri.
Si elles aboutissent, cela transformera Casino en douceur. "Il faut une restructuration ordonnée" nous confiait récemment un banquier du groupe. Ses créanciers encouragent d’ailleurs ce recentrage sur la France comme l'avait révélé BFM Business. Le cœur du réacteur de l’empire de Jean-Charles Naouri serait cette nouvelle société créée avec Teract. Casino deviendrait une sorte de "holding industrielle" avec "des participations en France, en Amérique latine et dans CDiscount" relate un bon connaisseur du dossier. "Et pourquoi pas?", fait mine de s’interroger un proche du groupe qui rappelle que "Casino a enclenché une simplification de son organisation en Amérique du Sud et désormais en France".
Zouari en embsucade
Le PDG Jean-Charles Naouri va-t-il gérer Casino comme une société avec des participations financières à liquider? D’autant qu’il devra, d’ici 2025, apurer ses dettes au sein de l’ensemble de ses sociétés. Notamment chez Rallye, qui contrôle Casino, et doit rembourser 1,9 milliard d’euros en 2025. Paradoxe de la situation, le PDG de Casino complexifie davantage son empire déjà très opaque. Cette opération conduirait à créer un "sixième étage" (Euris, Finatis, Foncière Euris, Rallye, Casino) de sa galaxie qu’il avait pourtant promis de simplifier…
En face, cette alliance permettrait à Moez-Alexandre Zouari d’entrer de plain-pied dans l’empire de Jean-Charles Naouri. Il prendrait part aux activités les plus dynamiques que sont Monoprix et Franprix, sans être exposé à la lourde dette de Casino. "Cette solution sera une transition qui ne durera pas longtemps", explique un de ses proches. Les deux sociétés communes pourraient un jour fusionner pour être mieux valoriser en Bourse et donner à Jean-Charles Naouri la capacité de réduire sa dette. En face, Moez-Alexandre Zouari "négocie forcément des options pour lui racheter ses parts en cas de changement de contrôle de Casino" assure un proche du groupe. L’occasion pour lui de rafler la mise, au nez et à la barbe du grand rival Carrefour.