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Canicule: quelles sont les obligations des entreprises à l'égard des salariés?

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En cas de forte chaleur (vigilance jaune, orange ou rouge), l’employeur doit mettre en place une organisation du travail et des moyens adaptés. Mais pour certains, le droit du travail n'est plus adapté au regard de la multiplication et de l'intensification des épisodes caniculaires.

Tardive mais aigüe, la vague de canicule qui frappe la France cette semaine va faire des dégâts. Météo France a pour l'instant classé 50 départements en vigilance "orange" canicule pour ce lundi, alors que des températures avoisinant les 40°C sont attendues dans le Sud-Ouest, le Midi et la vallée du Rhône notamment. Et une alerte de vigilance rouge, le plus haut niveau, pourrait être déclenchée mardi dans certains départements.

Comme à chaque canicule, se pose la question des conséquences dans le monde du travail et de l'entreprise car les risques sont nombreux: nausées, maux de tête voire évanouissements.

En réalité, quelle que soit la température extérieure, l’employeur "est tenu à une obligation de sécurité de moyen qui l’oblige à garantir la santé et la sécurité de ses salariés" souligne Karine Audouze, avocate associée chez UGGC Avocats spécialisée dans le droit du travail.

Mise en place de "moyens adaptés"

Cette obligation se traduit par la prise de mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des salariés et prévenir les risques professionnels.

Si le Code du Travail ne précise pas de seuil de température limite, il indique qu'"en cas de forte chaleur (vigilance jaune, orange ou rouge), l’employeur doit mettre en place une organisation du travail et des moyens adaptés" souligne l'avocate. Cela passe par différentes décisions:

  • Mise en place des horaires de travail décalés (arriver et repartir plus tôt),
  • Organisation de pauses plus fréquentes et plus longues, notamment aux heures chaudes,
  • Privilégier l’arrêt des appareils électriques non indispensables à la production,
  • Privilégier le télétravail si possible pour toutes les activités le permettant,
  • Permettre aux salariés de se désaltérer régulièrement, notamment dans le secteur du bâtiment et des travaux publics en mettant gratuitement à leur disposition au moins une boisson non alcoolisée.

Par ailleurs, comme le Code du Travail le précise, "l’employeur doit veiller à ce que l’air des locaux professionnels soit toujours renouvelé et ventilé. Il doit donc surveiller la température des locaux fermés où le personnel est amené à séjourner" explique Karine Audouze.

Par contre, l’employeur "n’a pas l’obligation d’installer un système de climatisation mais doit mettre à disposition des moyens de protection et/ou de rafraîchissement" poursuit-elle, à savoir des ventilateurs, brumisateurs, humidificateurs.

Pour les salariés qui travaillent à l'extérieur, le Code du travail impose à l’employeur d’aménager les postes de travail afin que les salariés soient protégés "contre les conditions atmosphériques". Il peut s'agir d’abris, de zones d’ombre ou d’espaces climatisés.

Dans le BTP, l'employeur est tenu de fournir gratuitement au moins trois litres d’eau par jour.

Canicule extrême: une réévaluation quotidienne des risques

"En cas de canicule extrême (vigilance rouge), l’employeur doit procéder à une réévaluation quotidienne des risques" souligne l'avocate.

Cette réévaluation concerne:

  • la température et de son évolution en cours de journée ;
  • la nature des travaux devant être effectués, notamment en plein air ou dans des ambiances thermiques présentant déjà des températures élevées, ou comportant une charge physique ;
  • l’âge et de l’état de santé des travailleurs: une attention particulière aux femmes enceintes, aux personnes souffrant de pathologies chroniques ou en situation de handicap, etc.

Ces mesures prévues par le Code du Travail sont aujourd'hui perçues comme insuffisantes au regard de la multiplication et de l'intensification des épisodes caniculaires.

Un Code du Travail à renforcer?

Pour Hadrien Clouet, député LFI de Haute-Garonne interrogé par BFMTV, "il faut établir un droit à des pauses quand la température dépasse 28°, avec 10 minutes de pause toutes les deux heures. Au-delà de 34° dans le lieu de travail, on propose d'avoir un temps d'activité maximum de 6 heures par jour et lorsque le niveau 4 de canicule est enclenché, on propose la suspension de l'activité de travail en la rémunérant bien sûr". Un projet de loi dans ce sens a été déposé par le groupe en juillet dernier.

Un arrêt de travail d'ailleurs déjà prévu dans le BTP. Si "l’évaluation des risques effectuée quotidiennement par l’employeur fait apparaître que les mesures prises sont insuffisantes, notamment pour les travaux comportant une charge physique importante (travaux d’isolation en toiture ou de couverture, manutention répétée de charges lourdes)", l'employeur peut décider l'arrêt des travaux. Une mesure assez rarement appliquée.

Pour les syndicats, il faut avant-tout renforcer la protection des salariés. Pour Frédéric Mau, Sécrétaire fédéral CGT Construction en charge des questions de santé, il faut "moins de temps d'exposition, des espaces de fraîcheur, il y a plein de choses qu'on peut améliorer" explique-t-il sur BFMTV.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business