BFM Business
Agriculture

"L'ambition est maximale": les syndicats agricoles se préparent à leur prochaine bataille électorale

Des agriculteurs français conduisant des tracteurs en convoi, avec une banderole de la Coordination rurale 47, à Villeneuve-sur-Lot (Lot-et-Garonne), le 29 janvier 2024 (photo d'illustration).

Des agriculteurs français conduisant des tracteurs en convoi, avec une banderole de la Coordination rurale 47, à Villeneuve-sur-Lot (Lot-et-Garonne), le 29 janvier 2024 (photo d'illustration). - CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP

Des élections professionnelles cruciales pour les syndicats agricoles, aujourd'hui mobilisés une nouvelle fois dans le pays, seront organisées en janvier 2025.

Un "référendum" ou un "combat de coq"? Une bataille se profile à l'horizon pour les syndicats agricoles. En janvier prochain, un peu plus de 2 millions d'électeurs seront appelés aux urnes pour renouveler les membres des chambres d'agriculture départementales. Au-delà des missions assurées par ces organismes locaux, ces élections professionnelles permettent, tous les six ans, de mesurer la représentativité des syndicats au sein du monde agricole – et aussi de répartir les financements publics. Sur le terrain, au moment où les mobilisations repartent de plus belle, la prochaine échéance électorale s'invite dans toutes les têtes syndicales.

À la présidence de la Coordination rurale, Véronique Le Floc'h martèle qu'il s'agit d'un "référendum" pour le monde agricole. "Il faut choisir si l'on veut continuer dans la lancée des trente dernières années ou si l'on veut prendre un virage et se reprendre en main", avance-t-elle, évoquant l'alliance majoritaire FNSEA et Jeunes agriculteurs (JA) qui contrôle la quasi-totalité des chambres d'agriculture. Revigorée par les manifestations des derniers mois, où elle s'est illustrée par ses coups d'éclat médiatiques, la bouillonnante organisation syndicale espère ravir quelques départements à la coalition FNSEA-JA. "L'ambition est maximale", ne cache pas Véronique Le Floc'h.

"De la colère"

Dans le Gers, voisin de son bastion du Lot-et-Garonne, le syndicat jaune et noir a "toutes les chances d'y arriver", veut croire le président de la section locale, Lionel Candelon. "On comptait 40 adhérents il y a un an et demi, on est passé à 200 adhérents", cite-t-il en exemple, même si "rien n'est jamais gagné". La Charente, le Puy-de-Dôme ou le Calvados pourraient également basculer vers la Coordination rurale, qui ne compte aujourd'hui que trois départements sous ses couleurs, loin de rivaliser avec la coalition FNSEA-JA. Le syndicat multiplie les coups contre ses rivaux, leur reprochant régulièrement d'être inefficaces ou de soutenir l'agro-industrie.

"Il y a de la colère dans le monde agricole" et "certains discours directs plaisent dans les moments difficiles", constate le président des Jeunes agriculteurs du Gers, Guillaume Fauqué, estimant que "ceux qui ont été aux responsabilités jusqu'à présent seront forcément fragilisés".

Du côté de la FNSEA, l'heure est à la discrétion. Au niveau national, le premier syndicat agricole s'exprime au minimum sur les prochaines élections, préférant concentrer son discours médiatique sur les mobilisations actuelles. Mais les élections se préparent depuis longtemps à l'échelle locale. Une nouvelle fois, la FNSEA repartira au combat avec ses alliés des Jeunes agriculteurs. "On a évidemment ces élections en tête", confirme Guillaume Fauqué. Pour lui, les mobilisations des derniers mois n'ont pas été profitables qu'à la seule Coordination rurale. "Il y a eu une vraie énergie collective lors des manifestations", se remémore-t-il, avec une vague de nouveaux adhérents.

Prime majoritaire

Alors que les agriculteurs redescendent dans la rue, certains craignent que la perspective des élections agricoles ne pousse les syndicats à la surenchère. Laurence Marandola, porte-parole de la Confédération paysanne, regrette "un combat de coq" entre la FNSEA et la Coordination rurale qui invisibilise parfois les enjeux. Le troisième syndicat agricole, qui n'a pas rejoint l'appel à la mobilisation nationale, préfère ses modes d'action habituels pour se faire entendre. Lui aussi espère titiller les acquis de l'alliance FNSEA-JA. "On a frôlé" la victoire en Ariège et en Loire-Atlantique en 2019, et "on est encore très ambitieux" cette fois-ci, avance Laurence Marandola.

Reste qu'il sera difficile de contester le leadership de la FNSEA et des Jeunes agriculteurs. Les intérêts se cristallisent sur le premier collège, celui des exploitants agricoles, qui représente la moitié des sièges dans chaque chambre d'agriculture. Or, la première liste y remporte la moitié des sièges à la faveur d'une prime majoritaire. La citadelle FNSEA-JA, qui dépasse régulièrement 50% des voix, est souvent imprenable pour ses adversaires. "Cette prime majoritaire est scandaleuse", déplore Laurence Marandola. "Les règles doivent être changées", ajoute-t-elle. Le ton est le même du côté de la Coordination rurale, pour qui "rien ne pourrait changer" en dépit de résultats serrés.

Forte abstention

"La prime majoritaire permet d'avoir une gouvernance stabilisée" dans les différentes chambres, défend Sébastien Windsor, président de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA) et lui-même issu de la FNSEA, ajoutant qu'il était de toute manière trop tard pour modifier les règles du scrutin. Aux précédentes élections, où la moitié des électeurs s'étaient abstenus, l'alliance FNSEA-JA avait réuni environ 55% des voix au niveau national pour le premier collège, contre 21,5% pour la Coordination rurale et 20% pour la Confédération paysanne. Le Mouvement de défense des exploitants familiaux (Modef) avait recueilli, lui, un peu moins de 2% des voix.

Jérémy Bruno Journaliste BFMTV