Fièvre catarrhale ovine: le virus se propage, les éleveurs dénoncent les "défaillances" de l'État

En août, Bruno Miser, éleveur dans les Ardennes, lançait une alerte sur l'extension de la fièvre catarrhale ovine (FCO) dans ses troupeaux. Il disait s'attendre "à ramasser des cadavres à la pelle". Hélas, les semaines qui ont suivi lui ont donné raison.
En un mois, 50% du troupeau ardennais a été touché par cette épidémie qui frappe les éleveurs français et européens. Mercredi, des éleveurs des Ardennes ont déposé devant la préfecture des cadavres de moutons pour protester contre les "défaillances" de l'État.
"50% de nos animaux sont malades et deux tiers des animaux malades vont mourir. À ce jour, on est à 20% de mortalité", explique Yohann Sommé, président de la Fédération des éleveurs de moutons des Ardennes, à BFM Business.
Le bilan aurait pu être moins lourd selon l'éleveur qui regrette que "les vaccins ont été déployés trop tard".
"La maladie était déjà avancée quand les vaccins sont arrivés le 16 août. La maladie se développe en seulement huit jours. Une partie de l'élevage était déjà malade et 20% des bêtes n'ont pu être vaccinées", explique Yohann Sommé.
Une fois contaminés, les animaux affichent de fortes fièvres qui peut monter à 41,8° contre une température normale de 38°. "Il n'y a pas de traitements antiviraux. Une fois les animaux malades, nous ne pouvons que tenter de faire baisser la fièvre avec des anti-inflammatoires."
Le réchauffement climatique
Également appelée maladie de la langue bleue, cette maladie virale touche les ruminants domestiques (ovins, bovins, caprins) et sauvages. En revanche, elle n'affecte pas les humains et n’a aucune incidence sur la qualité sanitaire des denrées (viande, lait, etc.).
La transmission d'un élevage à un autre se fait par les moucherons qui se propagent avec les vents. "C'est de cette manière qu'ils ont traversé la Manche pour contaminer les élevages en Grande-Bretagne", nous indique Yohann Sommé.
"Le seul espoir de stopper le processus est la venue de l'hiver. À moins de 15°, les moucherons ne se reproduisent plus, mais le réchauffement climatique ne joue pas en notre faveur."
L'évolution du virus rend la lutte contre la maladie encore plus difficile. Depuis 2017, les éleveurs faisaient face à deux sérotypes du virus (BTV8 et BTV4). Un nouveau (BTV3) a été décelé en Europe, il y a tout juste un an. Il a d'abord été détecté aux Pays-Bas puis s'est peu à peu propagé en Belgique, en Allemagne et au Royaume-Uni, puis début août en France, au Luxembourg et au Danemark.
En France, la FCO se propage à un rythme inquiétant. Fin août, on comptait en France 342 foyers, soit près de deux fois plus en seulement une semaine. Une dizaine de départements étaient touchés: Aisne, Ardennes, Haute-Marne, Marne, Meurthe-et-Moselle, Meuse, Moselle, Nord, Oise et Pas-de-Calais.

Le 5 septembre, selon les chiffres publiés par le ministère de l'Agriculture, 712 foyers ont été recensés, touchant dix départements supplémentaires: Aube, Doubs, Nièvre, Orne, Haute-Saône, Saône-et-Loire, Sarthe, Seine-et-Marne, Somme et Yonne. La propagation pourrait aller plus loin, craint Yohann Sommé en rappelant qu'en 2007, 57 départements étaient infectés.
Une campagne de vaccination gratuite, mais tardive
Pour tenter d'enrayer l'épidémie, le ministre démissionnaire de l'Agriculture, Marc Fesneau, a lancé dès la mi-août une campagne de vaccination qui se poursuivra jusqu’à la fin de l'année. 6,4 millions de doses de vaccins (1,1 million de doses pour les ovins et 5,3 millions de doses pour les bovins) sont fournies gratuitement aux éleveurs.
L'arrivée tardive de ce vaccin est considérée par les éleveurs ardennais comme "une défaillance de l'État" avec pour conséquence des pertes économiques. D'une part, avec la mort des animaux, d'autre part avec la fermeture des marchés étrangers.
Mercredi, les éleveurs des Ardennes ont déposé des cadavres de moutons devant la préfecture de Charleville-Mézières pour protester. Désormais, ils réclament, non pas des "compensations", mais une "réparation" puisque ces pertes auraient pu être évitées.
"J'ai rencontré Marc Fesneau au mois d'août. On a ouvert des discussions sur une évaluation des pertes que nous avons subies", nous dévoile Yohann Sommé.
Le montant demandé a été établi en tenant compte d'une mortalité de 20% touchant un cheptel moyen de 400 bêtes au prix de 150 euros pour les agneaux et 200 euros pour les brebis.
"Nous arrivons ainsi à une moyenne de 14.400 euros par élevage pour la perte de 80 ovins à 180 euros chacun", estime Yohann Sommé.
Le dossier sera entre les mains de la nouvelle équipe du ministère de l'Agriculture, sous le regard attentif du nouveau Premier ministre. Surnommé le "montagnard", Michel Barnier a été ministre de l'Agriculture et de la Pêche en 2007 sous la présidence de Nicolas Sarkozy.
