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Adecco jugé pour discrimination à l'embauche après 22 ans de procédure

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Le spécialiste du travail temporaire est accusé de discrimination et fichage "en raison de l'origine, de la nationalité ou de l'ethnie".

Adecco et deux de ses anciens directeurs sont jugés jeudi en correctionnelle pour discrimination à l'embauche et fichage à caractère racial, après 22 ans de procédure judiciaire.

Le spécialiste suisse du travail temporaire sera jugé devant la 31e chambre correctionnelle du tribunal de Paris pour des faits commis entre 1997 et 2001.

90 Minutes Business avec vous : Discriminations à l'embauche - 13/07
90 Minutes Business avec vous : Discriminations à l'embauche - 13/07
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Adecco, en tant que personne morale, Olivier Poulin, ancien responsable de l'agence ayant fait l'objet de la plainte, et Mathieu Charbon, ancien directeur de secteur, sont accusés de discrimination et fichage "en raison de l'origine, de la nationalité ou de l'ethnie", avait précisé la chambre de l'instruction en 2018.

Classement

En mars 2001, une information judiciaire avait été ouverte à Paris après une plainte de SOS Racisme. L'association avait été alertée par un ancien salarié chargé du recrutement dans une agence parisienne d'Adecco d'un classement des candidats avec un code "PR IV" pour spécifier les personnes de couleur.

Ce code visait à octroyer ou à refuser certaines missions, comme commis de salle ou chef de rang dans des restaurants, à ces candidats, lorsque l'entreprise cliente réclamait "un BBR" ("Bleu-Blanc-Rouge") ou "non PR IV", selon l'employé.

Cette agence, Adecco restauration Montparnasse, spécialisée dans l'hôtellerie, travaillait notamment avec le ministère des Affaires étrangères, Eurodisney et la Société des wagons-lits

Tout au long de la procédure, Adecco s'est défendu en assurant que le code "PR IV" concernait des personnes ne "sachant pas ou peu lire, ou compter, ou rencontrant des difficultés d'adaptation au poste", et que "toutes les personnes se voyant attribuer ce critère n'étaient pas noires".

Un dossier "actuel"

"C'est un vieux dossier", a admis auprès de l'AFP Slim Ben Achour, avocat des parties civiles, mais il est "tellement actuel". "Il s'agit de l'éternel combat pour l'égalité humaine", a-t-il poursuivi.

"Nous attendons du procureur et des juges qu'ils prennent en compte la gravité des atteintes à la dignité humaine", a indiqué à l'AFP Samuel Thomas, président de la Maison des potes et ancien vice-président de SOS Racisme à l'origine de la procédure.

Les deux associations et d'anciens intérimaires avaient obtenu le renvoi en correctionnelle d'Adecco en février 2021, après de nombreux rebondissements dans la procédure.

En 2010, la chambre de l'instruction avait infirmé une première décision du juge d'instruction d'abandonner les poursuites, ordonnant de nouvelles auditions et confrontations.

Sept ans plus tard, en janvier 2017, un juge d'instruction avait rendu un non-lieu, considérant que "l'existence et le recours" à un classement spécifique des "intérimaires de couleur noire (...) n'avaient pas pu être clairement déterminés".

Non-lieu

Une décision à nouveau retoquée par la chambre de l'instruction un an plus tard.

En novembre 2020, le parquet général avait encore requis l'abandon des poursuites, mais la chambre n'avait pas suivi leurs arguments et ordonné un procès.

"Si des progrès considérables ont été réalisés ces vingt dernières années en France, la lutte contre les discriminations est un combat de longue haleine", a réagi auprès de l'AFP un porte-parole du groupe Adecco, précisant "condamner et sanctionner tous les comportements pouvant être contraires à la loi et aux valeurs" de l'entreprise.

Adecco avait déjà été condamné en France pour discrimination à l'embauche en 2007, avec sa filiale Ajilon (ex-Districome) et le fabricant de produits de beauté Garnier, pour une consigne de recrutement portant uniquement sur des animatrices de vente "BBR" lors d'une campagne en 2000.

OC avec AFP