Pas-de-Calais: une prof se suicide en invoquant ses conditions de travail

L'entrée du lycée professionnel André Malraux, de Béthune (Pas-de-Calais) - -
Une enseignante du lycée professionnel André Malraux de Béthune (Pas-de-Calais) est décédée dimanche à l'hôpital, après une tentative de suicide une semaine plus tôt. Mariée et mère d'un garçon de 14 ans, Marielle Croquefer, 48 ans, a passé une semaine dans le coma après sa tentative de suicide, le 15 octobre.
« Les élèves lui en faisaient baver »
A la sortie de ce lycée, les élèves de Marielle Croquefer, encore sous le choc, se souviennent de leur professeur de bureautique : « Elle était super gentille, maternelle, super simple, elle rigolait avec nous, mais elle n’avait pas beaucoup d’autorité, raconte une élève, tandis qu’une autre ajoute : Elle était très fragile ; les élèves lui en faisaient baver ».
« Classes surchargées, hiérarchie oppressante… »
Pour expliquer son geste, Marielle avait rédigé un mail, qui s’est enregistré comme brouillon sur son ordinateur. « Dans ce message, qui était destiné à Michel Pailliard, un de ses collègues et représentant du syndicat Action et Démocratie, elle expliquait que ça n'allait pas cette année parce qu'elle avait des classes surchargées à 36, qu'elle avait un emploi du temps assez lourd et qu'elle se sentait oppressée par la hiérarchie de l'établissement », d’après Sylvie Vinsard, secrétaire nationale du syndicat Action et Démocratie, qui va déposer un préavis de grève pour le 12 novembre, à la mémoire de l’enseignante.
Elle craignait également que son poste soit supprimé à la prochaine rentrée scolaire, ce qui l'aurait contrainte à redevenir remplaçante, c'est-à-dire destinée « à parcourir les deux départements du Nord-Pas-de-Calais, ce qu'elle ne voulait pas », affirme la syndicaliste.
« Des remplacements pendant 10 ans »
En effet, « pendant 10 ans, elle a tourné dans les établissements, témoigne Michel Paillard, le collègue destinataire du dernier mail de l’enseignante, à faire des remplacements, subissant les contraintes qui vont avec : je ne sais pas quelle classe je vais avoir, je vais découvrir sur place, je vais devoir m’adapter, circuler dans l’académie… Donc cette mission, qui devient de plus en plus ingérable et difficile, on ne la supporte plus, d’autant plus quand les personnels sont directement menacés sur leur poste, ce qui était le cas de Marielle ; il fallait évidemment qu’elle soit à nouveau remplaçante, et elle ne l’a pas supporté ».
« Un signal de trop de l'effroyable malaise » de l'école ?
Et d’après Michel Paillard, le cas de Marielle n’est pas un cas à part : « Il y en a tellement d’autres qui sont comme ça, autour de nous. On nous demande de remplir nos classes au maximum, d’aller jusqu’à 35-36 élèves… Pour la majorité, ce sont des élèves en souffrance. Donc on est vraiment dans une situation de barbarie, où on broie les personnels ».
Hier mardi, Marine Le Pen a adressé ses condoléances à la famille de l'enseignante. La présidente du Front national y voit le « signal de trop de l'effroyable malaise » de l'école.
De son côté, le rectorat de Lille a ouvert une enquête interne « pour essayer de comprendre ce qui s'est passé à l'intérieur du système éducatif ».