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Manterrupting, mansplaining: comment se faire entendre en réunion quand on est une femme

Manterrupting, mansplaining: comment se faire entendre en réunion quand on est une femme

Manterrupting, mansplaining: comment se faire entendre en réunion quand on est une femme - August de Richelieu Pexels CC

Couper systématiquement la parole quand une femme s’exprime ou utiliser un ton paternaliste pour lui expliquer ce qu'elle sait déjà sont des attitudes sexistes très courantes dans le milieu professionnel. Voici quelques astuces pour apprendre à vos interlocuteurs comment mieux se comporter.

En réunion, les hommes captent 75% du temps de parole, selon une étude britannique, et un homme interrompt 23% de fois plus une femme qu’un autre collègue masculin. Ce phénomène baptisé le "manterrupting (contraction de man (homme) et d’interrupting (interruption) n’a rien d’anecdotique pour celles qui le subissent au quotidien.

"Quand on leur coupe plusieurs fois la parole en réunion, les femmes se retirent du débat, elles se sentent frustrées avec la complicité inconsciente de l’assemblée", explique Noemie Le Menn psychologue du travail et animatrice d’atelier sur le sexisme au travail au sein du cabinet up-change.com


Les femmes sont aussi souvent confrontées à un autre travers sexiste, le "mansplaining" qui désigne une situation où un homme explique quelque chose à une femme de manière condescendante ou paternaliste. Et le plus souvent sur un sujet qu’elle maîtrise parfaitement ou qui la concerne en premier lieu.

Pointer du doigt ces agissements

Pour mettre fin à ces types de comportement, une seule solution: le signaler immédiatement à l’auteur des faits, car très souvent cela fait partie d’une ambiance générale de travail, lors d’échanges animés. Et seule la personne qui subit ces interruptions s’en aperçoit.

"Il faut se montrer ferme", conseille Noemie Le Menn. Garance Yverneau, CE du cabinet 5A conseil dédié à la carrière des femmes, recommande elle aussi de soigner son intonation, en pensant à poser sa voix.

"Quand on est énervée, la voix part souvent dans les aigus. Il faut garder son calme car cela rend la réaction plus efficace voire plus cinglante", prône-t-elle.

Mais comment signaler à l’individu que son comportement n’est pas acceptable? Tout simplement en décrivant les faits avec ces formules: "Vous venez de me couper la parole mais je vais reprendre ce que je disais" ou encore "j’étais en train de parler, je voudrais aller au bout de mon propos" . Et si les choses continuent, ne pas hésiter à les compter pour une prise de conscience collective avec une phrase du type "cela fait trois fois que vous m’interrompez, cela suffit".

Pour les timides, en faire part en aparté

Dans tous les cas, il ne faut pas lui couper la parole. "On ne peut pas avoir la même attitude que celle que l’on reproche. Il est nécessaire d’attendre que l’autre ait fini pour reprendre la parole en soulignant ses agissements et en nommant les choses, et en expliquant que l’on veut aller au bout de mon propos", recommande Garance Yverneau.

Pour celles qui n’ont pas l’aplomb de répliquer en plein milieu de la réunion, il ne faut pas culpabiliser. Il est toujours temps d’en parler au fautif à un autre moment, où chacun sera détendu.

"Il faut parier sur l’intelligence de l’autre et sa bienveillance. Il n’y a pas de complot contre vous, ce sont des réflexes inconscients", fait valoir Noemie Le Menn.

Pour gagner en assurance, il ne faut pas hésiter à préparer le scenario dans sa tête et envisager un discours en fonction de ses éventuelles réponses. Mais il ne faut pas verser dans le reproche. Les formules orientées sur son ressenti telles que "j’ai remarqué, j’ai senti que, j’ai été empêchée de parler" sont donc recommandées, avec des exemples concrets.

Noemie Le Menn conseille de tendre la main à son interlocuteur avec une approche comme: "Je suis persuadée que tu ne le fais pas exprès mais cela me coupe dans ma parole, mon flux de pensée. Est-ce que je peux compter sur toi la prochaine fois ?".

Faire valoir son expertise

Et si un collègue cherche à s’imposer comme expert dans votre domaine de compétences? Là encore, il faut réagir du tac au tac et reprendre la parole en rappelant sa fonction et son expertise, sans faire référence à son genre.

Cela peut donner concrètement une phrase comme 'je suis là en tant que directrice financière, juridique, c’est pourquoi je vous alerte sur ...' ou encore 'est-ce que vous voulez l’avis de l’experte sur le sujet ou bien celui d’untel' ?", cite en exemple Noemie Le Menn.

Et si jamais ces rappels ne suffisent pas? Il peut être nécessaire de faire appel à la solidarité entre collègues et leurs demander d’appuyer ses propos quand on se fait couper la parole ou reprendre à son compte ses idées. Il est aussi possible de demander à son manager, à la personne qui a la charge d’animer la réunion de faire un rappel aux bonnes manières. La bienveillance et le respect mutuel sont essentiels pour bien travailler ensemble.

Et il reste toujours la possibilité de faire appel aux personnes des ressources humaines si la situation persiste et nuit à l’exercice de ses compétences. Les agissements sexistes sont en effet punis par la loi.

Coralie Cathelinais