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"J'ai envoyé 100 candidatures", "on me dit que c'est fini"... La galère sans nom des alternants qui ne trouvent pas d'entreprise depuis que le gouvernement a coupé les aides

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La réduction des aides de l'État à l'apprentissage en 2025 a eu des effets directs, avec une baisse des offres d'emplois en alternances. Résultat, des étudiants qui se retrouvent sur le carreau à la mi-septembre.

"J'ai envoyé plus de 100 candidatures, j'y ai passé tout mon été, je suis à deux doigts d'abandonner." Gabriella, 20 ans, commence à perdre l'espoir de trouver une alternance en tant qu'assistante commerciale. L'étudiante cherche sans relâche depuis mars et n'a toujours aucune réponse.

Comme elle, à la mi-septembre, de nombreux étudiants se retrouvent sans contrat d'apprentissage. Sur Linkedin, les candidats publient leurs CV et les appels désespérés se multiplient. "J'appelle aussi des entreprises, je me déplace, je fais tout ce que je peux pour trouver, sans succès", témoigne Katline, à la recherche d'une alternance en marketing digital.

"Les entreprises me disent que cette année c'est fini, alors que les années précédentes, elles prenaient des alternants", raconte-t-elle à BFM Business.

-65.000 postes d'alternants d'ici la fin de l'année

La raison? Une baisse des aides de l'État pour les contrats d'apprentissage. En 2025, elles sont passées de 6.000 à 2.000 euros pour les grandes entreprises et à 5.000 euros pour les petites entreprises (moins de 250 salariés). Une "participation obligatoire" des entreprises de 750 euros a également été mise en place pour les apprentis niveau Bac+3 et plus.

Des mesures qui ne sont pas indolores pour l'emploi. Selon l'Insee, environ 65.000 postes d'alternants devraient disparaître sur une période de six mois, d'ici la fin de l'année, en raison de la baisse du soutien public.

Une tendance qui se confirme sur le site d'offres d'emplois Indeed. Dès janvier, les annonces en apprentissage avaient commencé à décroitre.

"Le volume d'offre a considérablement fondu, on ne dispose pas encore des dernières données consolidées, mais on est sur une tendance de -15% en août 2025 par rapport à août 2024", explique à BFM Business Eric Gras, spécialiste du marché du travail chez Indeed.

Les PME particulièrement touchées

Face à cette réduction des offres, certains secteurs sont-ils épargnés? "Les grands groupes continuent à embaucher des alternants", pointe Eric Gras. "Certains ont passé des accords pluriannuels avec les écoles. Cela fait désormais partie de leur stratégie à long terme. Ils ont fait de l'alternance une des composantes à part entière de leur recrutement, notamment pour les commerciaux ou le management."

À l'inverse, la baisse est plus significative pour les petites entreprises. "Pour les PME, les TPE, les artisans, même si la baisse des aides n'est que de 1.000 euros, sur une petite trésorerie, ça se ressent tout de suite", souligne Eric Gras, qui note que les secteurs du marketing, de la comptablité, de la communication et de la construction sont particulièrement touchés.

Un constat corroboré par le site Jobteaser spécialisé dans la recherche de stages, d’alternances et de premiers emplois. Si le mouvement semble enclenché du côté des grandes entreprises, c'est beaucoup plus compliqué pour les plus petites. Entre mars et juillet 2025, les PME ont publié 85% d’offres en moins sur la plateforme par rapport à la même période en 2024, sans report constaté sur les stages ou premiers emplois.

Une moins bonne insertion professionnelle et des risques de chômage accrus

Sur le site, le volume global d'offres d’alternance publiées a chuté de 22% entre mai et juillet. "Les entreprises, et plus particulièrement les PME, font face en 2025 à une situation politique instable et à un climat économique défavorable. Dans ce contexte, la baisse des aides publiques vient freiner davantage encore leurs ambitions de recrutement sur l’alternance et pousse bon nombre à une posture attentiste“, juge Adrien Ledoux, CEO et fondateur de JobTeaser.

“Ce phénomène aura des effets indirects sur le marché de l’emploi des jeunes talents."

"On sait que la qualité d’intégration professionnelle des jeunes a un impact significatif sur leur risque de chômage et leur parcours de carrière", pointe Adrien Ledoux.

Face à cette réduction des offres, la demande ne faiblit pas (+7% par rapport à l'an dernier selon Jobteaser). En conséquence, le nombre de candidatures par offre bondit de 18%, illustrant un déséquilibre croissant du marché.

Des étudiants sans alternance et donc sans formation

Dans ce contexte, le stress monte parmi les étudiants. "Dans ma classe, seules trois personnes sur 25 ont trouvé, on a tous très peur", relate Gabriella. L'enjeu est de taille car en alternance, l'entreprise paie aussi les frais de scolarité.

"Je ne pourrai pas me permettre de payer les 8.000 euros que demande l'école, donc si je ne trouve pas je ferai une année sabbatique et je ferai un petit boulot", raconte-t-elle.

Depuis que les aides à l'apprentissage ont été mises en place par le gouvernement, de nouvelles écoles ont été crées, avec un modèle économique reposant exclusivement sur l'alternance, et des enseignements parfois dispensés exclusivement à distance. Pour tous les étudiants qui ont été admis dans ces écoles, ne pas trouver d'employeur revient à devoir abandonner la formation.

"Il y a des étudiants qui se sont orientés vers ces écoles et qui aujourd'hui se retrouvent sans rien", regrette Éric Gras.

Selon lui, il faudra surveiller les décisions du futur gouvernement, car une nouvelle réduction des aides n'est pas exclue. Il conclut: "On a vu qu’une première baisse avait déjà des conséquences donc on attend de voir à quelle sauce on va être mangés."

Marine Cardot