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Emploi

Expulsion d’une retraitée : la faute à qui ?

La nonagénaire a été mise dans une ambulance et déposée aux urgences d'un hôpital de Chateaudun, car il n'y avait personne pour l'accueillir chez ses enfants.

La nonagénaire a été mise dans une ambulance et déposée aux urgences d'un hôpital de Chateaudun, car il n'y avait personne pour l'accueillir chez ses enfants. - -

Anne, 94 ans et expulsée de sa maison de retraite pour cause d’impayés, est aujourd’hui au cœur d’une polémique : qui, de l’établissement ou de ses quatre enfants, est responsable de la situation ? Sur RMC, tous se renvoient la balle.

La polémique ne désenfle pas après l'expulsion d'Anne, une retraitée de 94 ans de sa maison de retraite de Chaville dans les Hauts-de-Seine, vendredi dernier pour cause de loyer impayé. La ministre chargée des Personnes âgées, Michèle Delaunay, a estimé lundi que la résidence médicale privée avait agi « en violation du droit et de la dignité humaine », et la préfecture des Hauts-de-Seine a saisi de son côté l'Agence régionale de santé (ARS) pour enquêter sur les conditions de cette expulsion. Quant au Défenseur des droits, Dominique Baudis, il a condamné « avec fermeté l'attitude de la maison de retraite » et a décidé de « s'auto-saisir de ce cas ». Aujourd'hui la vieille dame a été transférée dans un hôpital privé d'Antony, dans les Hauts-de-Seine, où l’un de ses fils travaille. Mais la question se pose toujours : quelle est la responsabilité de chacun, de la maison de retraite aux enfants de la victime ?

« Je n’ai pas été averti »

« Je n’ai pas été averti du départ de ma mère de la maison de retraite, mais j’ai été averti de l’arrivée de ma mère par des ambulanciers qui étaient devant un ancien bureau d’un de mes frères, s’étonne Alain, le fils d’Anne. Ça veut dire que la maison de retraite, qui avait mon numéro de téléphone, a mis ma mère dans une ambulance, sans vérifier qu’elle pouvait être reçue chez la personne où elle arrivait, et deuxièmement si elle avait les conditions qui permettaient de prendre en charge sa dépendance sur le lieu où elle devait être ».
Les responsables de la maison de retraite, pourtant, affirment que l’un des fils avait été averti de la situation d’impayé avec deux courriers recommandés et différentes tentatives de coups de téléphone.

« Un calcul sordide… »

Car les quatre fils avaient, apparemment, de quoi honorer les loyers, restés impayés pendant un an et demi. L’un est gynécologue dans un hôpital de la région parisienne, l’autre gère des biens immobiliers, et la nonagénaire touche 2 700 euros par mois selon un responsable de la maison de retraite.
« Il y a malheureusement des familles qui font un calcul sordide, en se disant "si on ne paye pas et que notre parent décède, on aura peut-être la possibilité d’échapper au paiement", regrette Pascal Champvert, président de l'AD-PA, association des Directeurs au service des Personnes agées. C’est la faute à des textes qui ne sont pas bien faits. Il faut faire en sorte qu’une fois qu’il y a une décision de justice, on mette en place les moyens qui permettent simplement à l’établissement d’être payé. Imaginez que vous ne payez plus votre abonnement, votre opérateur ne va pas mettre un an à couper votre ligne. On est dans la même situation ».

« C’est non-assistance à personne en danger ! »

Joëlle Le Gall, présidente de la Fédération nationale des associations de personnes âgées et de leurs familles, estime que quels que soient les torts des enfants, l’établissement a commis une faute grave. « On est dans un établissement médico-social, pas dans un HLM ou n’importe quel immeuble ! C’est un accueil de personnes âgées, qui se trouvent là car ils ont une perte d’autonomie qui doit être accompagnée sur le plan social et sanitaire. Donc même si c’est dû aux enfants, comment peut-on prendre la responsabilité de jeter une personne dehors ? C’est non-assistance à personne en danger ! »

Mathias Chaillot avec Jamila Zeghoudi