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EDITO. Taxer les riches? Le Royaume-Uni vient de le faire et depuis 4.400 dirigeants et 110 milliards de dollars ont quitté le pays

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Alors qu'en France, la "taxe Zucman" refait surface, le Royaume-Uni a mis fin au statut de "non-domicilié", un système fiscal avantageux permettant de vivre sur le sol britannique sans y déclarer ses revenus étrangers. Le résultat a été immédiat sur la fuite des capitaux.

En France, la "taxe Zucman" refait surface. Rejetée de justesse par le Sénat, elle consiste à taxer les contribuables détenant plus de 100 millions d'euros de patrimoine. Avec 1.800 foyers concernés, certains espéraient jusqu’à 25 milliards d'euros de recettes fiscales — de quoi combler quelques déficits.

Sauf qu'il faut faire attention aux conséquences contre-productives de ce choix. Le Royaume-Uni en offre le parfait cas d’étude. Le pays a mis fin au statut de "non-domicilié", ce système fiscal avantageux permettant de vivre sur le sol britannique sans y déclarer ses revenus étrangers. La réforme, décidée par le gouvernement travailliste afin de "faire payer les riches", visait à générer jusqu’à 33 milliards de livres sur cinq ans.

Les riches ont aussitôt pris la tangente. D’après Bloomberg, plus de 4.400 dirigeants d’entreprise ont déménagé en un an, une hausse de 75% en avril 2025 par rapport à l’année précédente. Au total, ce sont des capitaux d’envergure — près de 110 milliards de dollars — qui ont quitté le Royaume-Uni, direction Monaco, Dubaï, Chypre ou Milan.

Le milliardaire suisse Guillaume Pousaz, fondateur de la plateforme de paiement Checkout.com, ou encore Nassef Sawiris, l'homme le plus riche d'Égypte, font partie de ceux qui ont fui Londres pour les places financières plus accomodantes d'Europe et du Moyen-Orient.

Des pertes fiscales nettes?

Les experts vont jusqu’à dire que, si plus de 25% des non-domiciliés s’en vont, la réforme sera contre-productive, avec des pertes fiscales nettes.

Les conséquences vont au-delà des simples rentrées fiscales. Ces fortunes sont des consommateurs, des employeurs, des contribuables... Ils achètent des logements de luxe à Mayfair, scolarisent leurs enfants dans des écoles privées, paient des équipes d'avocats, de fiscalistes, vont dans les clubs privés et font vivre le commerce haut de gamme.

Depuis leur exil, le secteur de l’emploi dans les services a ralenti, le marché de l’immobilier de luxe s’est figé et les ventes de Bentley ont diminué — ce sont des signaux d’alerte.

Un cas d’étude que la France gagnerait à regarder de près. Pendant que Londres, jadis refuge des milliardaires, se vide de ses plus gros contribuables, d’autres États déroulent le tapis rouge. L’Italie, la Grèce, Dubaï ou Chypre vont jusqu’à proposer des régimes forfaitaires — 200.000 euros d'impôt par an, quel que soit les revenus — et vont jusqu’à exonérer les revenus étrangers.

Le cas britannique le montre: le choc fiscal peut parfois se retourner contre l’État lui-même. Oui, la justice consiste à ce que chacun paie ce qu’il doit. Mais elle nécessite de trouver le bon équilibre, afin d'éviter de faire fuir ce que le pays a de plus précieux: son activité, ses capitaux, ses contribuables.

L’exode des riches n’est pas un fantasme. C’est une réalité… et elle coûte parfois plus cher que ce que l’on espère en gagner.

Raphaël Legendre