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ÉDITO. L'inquiétante perte d'influence de la France à Bruxelles

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En sortant in extremis Thierry Breton de Bruxelles, Emmanuel Macron espère renforcer son lien avec Ursula von der Leyen. Il ne fait qu'affaiblir un peu plus la position de la France.

Quoi que l’on pense de la personnalité de Thierry Breton, son éviction brutale de la Commission européenne, la veille la présentation du nouveau collège des commissaires devant le Parlement à Strasbourg, n’est pas une bonne nouvelle pour l'influence de la France à Bruxelles.

Parce qu’il avait une parfaite connaissance technique de l’industrie et qu'il était le seul commissaire à disposer de trois directions générales à sa main, Thierry Breton était un homme puissant à Bruxelles.

L’Edito de Raphaël Legendre : UE, l'inquiétante perte d'influence de Paris - 17/09
L’Edito de Raphaël Legendre : UE, l'inquiétante perte d'influence de Paris - 17/09
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Fin négociateur politique, Stéphane Séjourné qui va le remplacer à Bruxelles n’a aucune compétence technique, parle mal anglais et n’aura a priori que la direction générale au Marché intérieur à sa main. En toute lucidité et sans lui faire offense: c'est un déclassement.

Il sera par ailleurs vice-président exécutif de la Commission en charge de la compétitivité et de la prospérité. Si la France tente de faire passer ce titre ronflant pour une promotion, les connaisseurs des institutions européennes savent que les "EVP" n’ont en réalité qu’un rôle de coordination et ne se retrouvent quasiment jamais en première ligne sur les dossiers.

Margrethe Vestager en est l'exemple parfait: commissaire star à la concurrence lors de son premier mandat, elle a disparu du tableau en devenant vice-présidente de la Commission.

Et pour cause! C’est Breton, simple commissaire, qui a pris toute la lumière dans la guerre face aux Gafam.

L'Allemagne en force

Après avoir eu la tête de son principal opposant, mais aussi de tous les autres poids lourds (Vestager, Schmit ou encore Timmermans...), la présidente de la Commission, connue pour son exercice solitaire du pouvoir, peut désormais régner en maître absolu sur une Commission peuplée de profils inconnus.

Cette domination allemande n’est pas sans lever quelques interrogations. Car au-delà du seul cas von der Leyen, la puissante direction du cabinet de la présidence est aux mains des Allemands depuis 15 ans maintenant... et le sera encore pour cinq ans. Vingt ans d'un pouvoir exorbitant et sans partage.

Au Parlement européen aussi, la domination allemande est encore plus évidente depuis les dernières élections. La présidence maltaise est proche du PPE où l’Allemand Manfred Weber règne en maître. La CDU tient la droite européenne dans sa main. Sur les 188 députés PPE que compte désormais le Parlement européen, 31 sont Allemands et seulement 6 sont Français.

Et si Raphaël Glucksman a réussi à redorer l'étoile socialiste à Strasbourg, Renew ne représente plus, de son côté, que la cinquième force politique européenne.

L'influence française en Europe part en cendre ; et nous regardons ailleurs. Emmanuel Macron pense avoir préservé son propre pouvoir en nouant une alliance directe avec Ursula von der Leyen, qu’il a aidé à faire réélire, et en plaçant un proche collaborateur à la Commission. Mais le départ de Thierry Breton est une bataille importante dans les guerres de pouvoirs européennes... que nous venons de perdre.

Raphaël Legendre