ÉDITO. "Elles servent parfois à payer le tour du monde de HEC de 35 ans": les ruptures conventionnelles c'est un quart des indemnités chômage en France

La ministre du Travail Astrid Panosyan-Bouvet à Paris, le 15 janvier 2025 - Ludovic MARIN © 2019 AFP
Un "carnage total". Marylise Léon n'y est pas allée de main morte hier après sa rencontre avec la ministre du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet.
La secrétaire générale de la CFDT participait à une réunion préalable à l’ouverture de négociations sur l’assurance chômage voulue par le gouvernement à la rentrée prochaine. Objectif: pousser à une reprise plus rapide d'emploi en grâce au resserrement des conditions d’accès.
Il faudrait avoir travaillé huit mois sur les vingt derniers plutôt que six mois sur les deux dernières années, conditions du régime actuel. Cette mesure ramène de facto la durée d’indemnisation de 18 à 15 mois.
Au final, 2 à 2,5 milliards d’économies pour la période 2026-2029 et 3 à 4 milliards à horizon 2030. Une mesure ambitieuse alors que la trajectoire de l’Unédic se dégrade fortement et que, plus globalement, les finances publiques françaises demeurent dans la zone rouge.
Rééquilibrage
Ce que Marylise Léon appelle un carnage est en réalité un rééquilibrage. D’abord parce que la ministre du Travail se bat pour préserver des mesures spécifiques d’éligibilité élargie pour les jeunes et d’indemnisation plus longue pour les seniors en fin de carrière.
Et également parce qu’il s’agit de s’attaquer à quelques abus autour des ruptures conventionnelles qui ont explosé ces dernières années (elles représentent un quart des indemnités) et qui servent parfois, selon une source gouvernementale, "à payer une année de césure à des HEC de 35 ans qui partent faire le tour du monde".
Est-ce le bon moment pour toucher aux droits des chômeurs? Il n’y a jamais de bon moment quand les comptes sont dans le rouge. Il y a juste nécessité. La France n’arrive pas à passer sous la barre des 7% de chômeurs, bien au-dessus de la moyenne de l'UE (5,8%) et de celle de la zone euro (6,2%).
Par ailleurs, le système français reste l’un des plus généreux d’Europe. Que l’on parle du taux de remplacement (entre 57 % et 63 %, contre environ 66% en Allemagne, 57% en Finlande ou 54% en Irlande), ou du plafond d’indemnité (8 811 € brut, l’un des plus hauts d’Europe, contre environ 3 150 euros au Danemark, 3 300 euros en Allemagne, 1 300 euros en Espagne et 1 500 euros en Italie).
Notre système reste très généreux et nous sommes l’un des plus touchés par le chômage structurel. Il ne s’agit pas de punir les demandeurs d’emploi, mais de restaurer l’efficacité d’un système devenu trop coûteux et pas assez incitatif.
Tension autour des arrêts maladies
Le gouvernement compte ouvrir un autre dossier explosif : celui des arrêts maladie...
L'executif veut notamment décaler l’intervention de la Sécurité sociale du 4e au 7e jour d'arrêt. Les économies pourraient aller jusqu'à 700 millions d’euros à court terme.
Alors oui, les entreprises sont vent debout, notamment les PME qui dénonce une pricatisation des dépenses d'assurance maladie. Mais entre 25 % et 30 % des augmentations des arrêts ne s’expliquent pas aujourd’hui. Il est temps de s’attaquer aussi à ce dossier explosif.
Ce n'est pas de l’injustice, ce n’est pas un "carnage", c’est de la responsabilité.