EDITO. Carrefour, champion de l’opportunisme commercial

Carrefour, champion olympique de l'opportunisme commercial? Hier, pendant que les tracteurs des agriculteurs se dirigeaient vers la centrale d'achat de Leclerc pour manifester leur colère contre la grande distribution avant l’entrée dans des négociations commerciales, le patron de Carrefour, Alexandre Bompard, a publié sur X (ex-Twitter) une lettre au président de la FNSEA, Arnaud Rousseau.
Il y dit combien il entend "le désarroi et la colère des agriculteurs" face "au risque de débordement sur le marché français d'une production de viande, ne respectant pas ses exigences et ses normes".
La main sur le cœur, le patron du deuxième acteur de la distribution française s’engage à ne commercialiser aucune viande en provenance du Mercosur et appelle les autres acteurs de la distribution et de la restauration à rejoindre le mouvement.
"Chez Carrefour, nous y sommes prêts", nous dit le camarade Alexandro Che Bomparda, qui appelle à faire bloc "quels que soient les prix et les quantités de viande que le Mercosur sera conduit à nous proposer".
Une embardée aux accents révolutionnaire qui mérite quelques nuances.
Premier point, l'accord commercial avec le Mercosur ne remet pas en cause le cadre phytosanitaire européen. Le bœuf aux hormones est interdit en Europe depuis 1989, il le restera. Du bœuf aux hormones que, par ailleurs, Carrefour vend en masse en Amérique latine puisqu'il y est un acteur majeur de la grande distribution, notamment au Brésil et en Argentine.
Colère au Brésil
Le gouvernement brésilien a d'ailleurs vivement réagi au post d'Alexandre Bompard pour défendre son agriculture exportée dans 160 pays, "y compris l’Union européenne depuis plus de 40 ans". Le ministère attaque durement Carrefour, taxant le groupe français de "protectionniste".
Quant au risque de débordement du marché français, il reste maîtrisé puisque l’accord commercial prévoit des échanges de viandes à hauteur de 1,2% de la consommation européenne. Soit environ un steak par an...
Enfin, si Carrefour a rappelé hier vendre 96 % de bœuf et de porc français dans ses magasins, il n’a rien dit des gigots néo-zélandais qu’il vend aux consommateurs français à un prix super compétitif grâce à l’accord commercial signé avec la Nouvelle-Zélande au printemps dernier.
Et heureusement que nous restons ouverts au reste du monde ! Car si nous ne vendions que du made in France dans nos supermarchés, beaucoup de nos rayons seraient entièrement vides.
Je rappelle enfin qu’Alexandre Bompard est président de la Fédération du commerce et de la distribution, elle-même membre d’EuroCommerce, le lobby européen des supermarchés, qui a appelé pas plus tard que lundi à "accélérer la conclusion des négociations de l'accord de libre-échange UE-Mercosur". Mais comme disait Pascal : "Vérité au-deçà des Pyrénées, erreur au-delà".