Salaires, industrie... Les dessous du débat entre Sophie Binet et Patrick Martin à la fête de l'Huma

Il n'est pas commun de voir le patron des patrons à la fête de l'Huma. C'était même une première historique. Le président du Medef s'est rendu à Brétigny-sur-Orges (Essonne), afin de débattre avec Sophie Binet, la secrétaire générale de la CGT durant le "forum social". Au menu: hausse des salaires, prix de l'énergie, réindustrialisation...
Dès le début des échanges, Sophie Binet lance l'épineux dossier de l'emploi des seniors, dont les négociations entre partenaires sociaux avaient échoué au printemps dernier.
"Je vous propose qu'on commence à négocier à la fête de l'Huma, j'ai un stylo, j'espère que vous avez le chéquier et tout va bien se passer", a-t-elle lancé, un brin caustique.
"Il faut augmenter les salaires"
Les points de désaccord n'ont pas manqué. Patrick Martin a insisté sur la nécessité de trouver une solution pérenne pour le financement du système de protection sociale par répartition. Il a exhorté à la rééquilibrer "sans amputer le pouvoir d'achat des salariés et le compte des entreprises". Le patron du Medef voit en la hausse de la production la panacée à ce problème.
À l'inverse, Sophie Binet a pointé du doigt les exonérations faites aux entreprises. Elle y voit dans ce dérapage les "170 milliards d'aides aux entreprises", selon les chiffres des chercheurs du Centre lillois d’étude et de recherche économique (à la demande de l’Institut de recherche économique et social et de la CGT).
"Vous nous coûtez un pognon de dingue" a-t-elle poussé sous les applaudissements du public. La secrétaire générale de la CGT a également dénoncé une politique de l'offre sans contreparties et un partage de la valeur déséquilibré en faveur du capital.
Sur la question des salaires, Patrick Martin a réussi à provoquer les applaudissements de la salle. "Oui, il faut augmenter les salaires", a-t-il défendu tout en balayant une hausse du Smic à 1600 euros, comme défendu par le Nouveau Front populaire. La foule s'est vite ravisée quand le patron des patrons a appelé à revoir "nos régimes sociaux".
Il a déploré les "368 euros de charges salariales qui pèsent sur le Smic". "Ici, on ne dit pas charges mais cotisations", a rétorqué Sophie Binet. Quand la bataille se déporte sur le champ de la sémantique.
Quelques constats identiques
Si les solutions divergent, la syndicaliste et le dirigeant patronal se sont entendus sur quelques constats. À commencer par les prix de l'énergie. "Je suis nucléariste" a déclaré Patrick Martin, une position également défendue par la fédération de l'énergie CGT. Sophie Binet voit dans la sortie du marché européen de l'électricité une solution à ce problème. "Quand est-ce qu'on se met d'accord pour faire la même chose que l'Espagne", a-t-elle demandé.
Autre sujet de consensus: la nécessité de réindustrialiser. "L'Europe a ouvert grand les portes sans s'être dotée de champions industriels et cela s'est traduit lourdement", a déploré Patrick Martin qui estime que "personne n'est obligé d'acheter chinois". "D'une part, ce n'est pas vrai qu'on peut acheter du Made in France avec le niveau des salaires et d'autre part, il n'y a presque plus de made in France", lui a répondu la syndicaliste.
Sophie Binet s'est également montrée offensive quand elle a rappelé le chef d'entreprise la position du Medef sur le programme du Nouveau front populaire, que le patronat avait critiqué à égalité avec celui du RN.
"À deux reprises, je me suis exprimé sur l'immigration et au-delà de ça, la vraie réponse, c'est de redonner à ce pays un espoir, une dynamique économique qui se traduira par la renaissance de certains territoires", s'est-il défendu expliquant qu'il n'aurait pas tenu cette position si le programme du NFP avait été "social-démocrate".