Pourquoi la colère des agriculteurs risque de gronder plus fort le 15 novembre

La colère gronde chez les agriculteurs et ce n'est qu'une simple expression. Moins d'un an après un mouvement qui avait en partie paralysé les grands axes routiers en France, l'ire ne s'est pas apaisée. Si des actions symboliques ont repris ces dernières semaines, la contestation devraient s'amplifier après la mi-novembre, notamment à l'appel des syndicats majoritaires FNSEA et Jeunes Agriculteurs (JA).
Durement frappés cette année par de mauvaises récoltes de blé et un regain de crise sanitaire dans les élevages, les agriculteurs réclament de pouvoir vivre de leur métier: ils attendent de la clarté sur les prêts garantis par l'État.
Mercosur, l'accord qui va mettre le feu aux poudres
Mais surtout, ils refusent catégoriquement la signature d'un accord de libre-échange négocié entre l'UE et les pays latino-américains (Argentine, Brésil, Uruguay, Paraguay et Bolivie) du Mercosur. Les syndicats agricoles français sont catégoriquement opposés à la signature de cet accord, négocié depuis des décennies entre l'UE et ces pays.
Jérôme Bayle, éleveur bovin en Haute-Garonne et l'une des figures des mobilisations agricoles qui avaient marqué le Sud-Ouest l'hiver dernier, estime que la signature de l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et le Mercosur sera l'élément "qui fera exploser la colère".
Avec cet accord, "on va autoriser aux Français de manger ce qu'on ne nous autorise plus à produire depuis plus de 20 ans en France: du bœuf aux hormones, du maïs OGM, du poulet industriel", déplore le fondateur des "Ultras de l'A64", du nom de l'autoroute reliant Tarbes à Toulouse, bloquée pendant plusieurs semaines cet hiver.
Les négociations avec les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Paraguay, Uruguay et Bolivie) ont repris ces derniers mois sous l'impulsion de pays européens dont l'Allemagne ou l'Espagne.
"On n'aura jamais la force de frappe de ces grands pays qui déforestent, qui utilisent des OGM, des produits phytosanitaires interdits ici", affirme Cyril Bousquet, éleveur bovin dans le Tarn. "Il faut qu'il y ait des normes et des barrières qui fassent qu'on soit concurrentiels sur les mêmes créneaux", ajoute-t-il.
Exercer un "veto au niveau européen"
De son côté, le gouvernement tente de rassurer les agriculteurs. Dimanche sur France 3, la ministre française de l'Agriculture s'est dite convaincue que l'accord de libre-échange négocié entre l'Union européenne et les pays du Mercosur, auquel s'oppose Paris, ne serait "pas signé" à Rio de Janeiro où se tiendra le G20 les 18 et 19 novembre.
"C'est un mauvais accord" qui "va faire déferler sur notre pays une quantité de productions qui vont venir concurrencer directement nos producteurs: 99.000 tonnes de bœuf, 180.000 tonnes de sucre, autant de (viande de) volailles", redoute Annie Genevard.
La ministre rappelle en outre que la présidente de la Commission européenne "connaît parfaitement la position de la France sur le Mercosur, de même que d'autres pays, et c'est la raison pour laquelle cet accord ne sera pas signé à Rio dans quelques jours", a assuré Annie Genevard sur la chaîne de télévision française France 3.
La ministre affirme aussi que "la France n'est pas seule dans ce refus".
"Ce qu'il faut obtenir, c'est de quoi exercer notre veto au niveau européen" en ralliant "un maximum de pays" de l'UE, a-t-elle expliqué.
Les syndicats agricoles français ont fait de la signature de ce traité "une ligne rouge" à ne pas franchir, alors qu'ils prévoient une amplification de la mobilisation dans les campagnes à partir de la mi-novembre, n'excluant pas d'aller jusqu'à Bruxelles pour le dire.
Droit de douanes promis par Trump
Avec l'élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis, un autre dossier explosif pourrait s'ouvrir. Durant sa campagne, le 47e président américain a promis une hausse de 10 à 20% des droits de douane sur les produits importés aux États-Unis.
Annie Genevard appelle l'Europe à "se protéger" contre ce qu'elle appelle "une agression".
"Les mesures douanières annoncées seraient très préjudiciables. Il ne faut pas avoir de naïveté. Quand Donald Trump dit 'America First', nous, on doit dire Europe First, France First", a-t-elle plaidé.
Les États-Unis sont le premier débouché des vins français à l'export. Lors du premier mandat de Donald Trump, des taxes douanières de 25% avaient été imposées en octobre 2019 par l'administration américaine sur certains produits, dont des fromages, des vins, puis le cognac quelques mois en fin de mandat. Des droits de douane punitifs sur cette eau-de-vie de vin compliqueraient significativement la vie des producteurs, déjà touchés par des mesures similaires de la part de Pékin.
