Après le covid, le cinéma chinois plus en forme que jamais

Affiche du film chinois La bataille du lac de Changin - Getty
Alors que le covid a provoqué une crise sans précédent pour l'industrie cinématographique mondiale, la Chine fait clairement figure d'exception.
En 2020, en pleine pandémie, le box-office chinois a pour la première fois dépassé Hollywood avec un chiffre d'affaires de 3,1 milliards de dollars contre 2,3 milliards aux Etats-Unis. Et ce n'était pas un accident.
L'an passé, avec une épidémie bien moins présente en Chine, les entrées ont accéléré avec 7,3 milliards de dollars générés soit environ 75% de son niveau d’avant la pandémie contre 4,5 milliards aux Etats-Unis où nombre de salles ont dû fermer sur des périodes plus ou moins longues.
En 2019, le box-office américain s'était hissé à 11,4 milliards de dollars contre 9,2 milliards pour la Chine.
La progression est assez fulgurante. En 2014, le cinéma chinois représentait seulement 4,5 milliards de dollars contre 10,3 aux Etats-Unis. En 2005, c'était 300 millions de dollars contre 8,8 milliards...
Soft-power
Ce grand bond en avant du cinéma chinois n'a rien d'un hasard. Le 7e art est au centre de la stratégie de "soft-power" de Pékin. La preuve, en un an, pas moins de 6667 nouvelles salles ont été ouvertes à travers le pays pour un total de 82.000 (plus grand parc du monde) contre la moitié aux Etats-Unis.
Dans le même temps, la production locale de films explose (697 sorties en 2021, 1037 en 2019, soit 200 de plus que les Etats-Unis). Des films aux budgets de plus en plus élevés qui glorifient l'histoire récente ou ancienne et la culture chinoise.
Exemple avec "La bataille du Lac Changin" qui a tout du film de propagande nationaliste qui a généré à lui seul 941 millions de dollars de recettes! Les comédies à l'eau de rose ont également beaucoup de succès: "Hi Mom" de Jia Ling a rassemblé pas moins de 120 millions de spectateurs.

Cette stratégie a un objectif clair: renforcer et faire rayonner l'influence culturelle chinoise et diluer le plus possible le poids des films américains. Ainsi, 84% des recettes générées l'an passé ont été réalisées par des films 100% chinois.
Seulement 5 blockbusters américains sont entrés dans le Top 30 des entrées l'an passé. Il faut dire que les autorités réduisent année après année le nombre de long-métrages autorisés à être projetés dans le pays. C'est donc l'effet rasoir à double lame pour Hollywood qui fait face à un sérieux manque à gagner. Même des poids lourds comme le dernier James Bond peine à rassembler les foules (65 millions de dollars de recettes pour 007).
Atteindre 100.000 écrans en 2025
Le septième art a toujours fait partie des leviers de développement culturel et politique des régimes communistes. Mais la Chine est allé bien au-delà en y consacrant des moyens colossaux.
Le cinéma fait partie intégrante du dernier plan quinquennal du Parti communiste chinois (2021-2025) en renforçant les deux axes que sont les salles et la production. Le régime entend ainsi atteindre les 100.000 écrans en 2025, du jamais vu et vise 50 productions à gros budgets dans les cinq ans à venir.
Des productions strictement contrôlées par la propagande du Parti. Un choix clairement revendiqué par Pékin depuis 2014. A cette époque, le président Xi Jinping expliquait sans ambages qu'"Il faut recourir aux bonnes œuvres littéraires et aux images artistiques de bonne qualité pour apprendre au peuple ce qui est vrai, bon et beau, ce qui est faux, vieux et laid, ce qui mérite l’appréciation et ce qui doit être déprécié".
Le dernier plan quinquennal avance même que les films doivent "faire l’éloge du parti, de la patrie, du peuple, des héros".
Une stratégie soutenue par les géants du Web et de l'immobilier
Ces objectifs ont par ailleurs été soutenus par la très puissante industrie chinoise du numérique. La plupart des films sont financés par les géants locaux du Web que sont Baidu, Alibaba et Tencent.
Et par les géants immobiliers comme Wanda qui est devenu le plus grand exploitant de chaînes de cinéma au monde. Et en 2016, le groupe est devenu le premier actionnaire du studio américain Legendary Entertainment pour la bagatelle de 3,5 milliards de dollars.
De quoi renforcer encore un peu plus le cinéma chinois face à Hollywood voire de l'influencer: certains films américains produits en partie par des groupes chinois sont parfois modifiés lorsqu'ils sont diffusés en Chine ou doivent mettre en valeur d'une façon ou d'une autre l'empire du Milieu...
Reste un défi pour Pékin qui ne pourra pas être atteint à coups de millions de dollars: l'exportation. Faire rayonner la Chine à travers son cinéma implique des succès à l'international. Mais pour le moment, on est loin du compte: 95% des recettes de tous les derniers grands succès chinois ont été réalisées en Chine. Les blockbusters américains réalisent au contraire 65% de leurs recettes à l'étranger.