La Banque de France table sur un reflux assez lent de l'inflation

Au lendemain des annonces de la Banque centrale européenne, la Banque de France a présenté ses projections macroéconomiques pour les trois années à venir sur la base d'hypothèses identiques. A la rentrée, l'institution bancaire française avait défini un scénario des trois R: résilience, ralentissement et reprise.
"Nous le confirmons avec aujourd'hui une résilience plus importante que prévue sur la fin d'année 2022, a indiqué Olivier Garnier, directeur général des Statistiques, Etudes et International de la BdF. On a aussi une confirmation de notre ralentissement avec un petit ajustement sur la reprise qui est un peu plus étalée que précédemment."
"On n'exclut pas une récession en 2023 mais s'il y en a une, elle sera limitée et temporaire."
Concrètement, la croissance du PIB devrait atteindre 2,6% cette année puis chuter à 0,3% en 2023 avant de revenir à 1,2% l'année suivante et enfin 1,8% en 2025. "Une telle projection est entourée d’une incertitude toujours large, notamment liée aux aléas sur les quantités et les prix d’approvisionnement en gaz: nous retenons de ce fait une fourchette comprise entre –0,3 % et +0,8 % pour cette prévision de la croissance en 2023", indique la Banque de France.
"Sur le premier trimestre, on a une prévision légèrement dégradée du PIB mais qui est assez limitée, précise Matthieu Lemoine, chef du service d'études macroéconomiques et de prévision. Dans notre scénario central, on considère qu'un niveau de délestage (ndr: coupures d'électrité anticipées) normal n’aura pas un gros impact sur l’activité. Mais si l’hiver est particulièrement rude et que le calendrier de relance du parc nucléaire n’est pas respecté, cet impact pourrait être plus fort."
Un pic de l'inflation au premier semestre 2023
Pour ce qui concerne l'inflation, la Banque de France se montre prudente. L'indice des prix à la consommation harmonisé (*) devrait rester assez élevé en 2023, à 6% avant de fléchir en 2024 (2,5%) puis revenir enfin à l'objectif souhaité par les banquiers centraux en 2025 à 2,1%. "Le pic de l’inflation devrait survenir au cours du premier semestre 2023 mais il dépendra de l’évolution des prix de l’énergie et de l’alimentation", insiste Olivier Garnier avant d'expliquer la différence avec la longue période d'inflation qu'a connu la France dans les anénes 70:
Ce n’est pas de la stagflation qui, comme dans les années 70, a été durable avec un choc qui a épargné les ménages car il était supporté par les entreprises, alimentant la boucle salaires-inflation. On n’est pas dans ce type de scénario: la répartition du fardeau est meilleure."
Dans le détail, la Banque de France anticipe pour l'an prochain le maintien d'une tendance à la hausse des prix de l'alimentation tandis que les prix de l'énergie baisseront. L'inflation sera également davantage alimentée par la hausse des prix dans les services du fait des augmentations de salaires consenties par les entreprises. La Banque de France prévoit d'ailleurs une légère baisse du pouvoir d'achat en 2022 suivie d'une stabilisation l'année prochaine avant une nouvelle hausse tant en 2024 qu'en 2025.
"Jusqu’ici l’accélération des salaires n’a pas complètement suivi celle des prix mais il y a eu beaucoup d’emplois pour moins de productivité", souligne Olivier Garnier. Alors que la productivité par tête devrait continuer de stagner l'an prochain, les créations d''emploi continueront à progresser. Le taux de chômage pourrait néanmoins remonter jusqu'à 8,3% à la mi-2024, soit un point de plus que le niveau historiquement bas affiché aujourd'hui par la France (7,3% en 2022).
L'Etat encore à la rescousse mais un retour de bâton est à prévoir
Olivier Garnier souligne que "malgré un choc important, les ménages et entreprises termineront cette période, en 2025, avec un pouvoir d'achat en hausse et des bonnes marges." Le tout grâce à un niveau de dépense publique inhabituel.
C'est l'Etat qui a absorbé une bonne partie du choc mais en reportant probablement cet effort sur nous dans le futur", tempère-t-il.
Le déficit public devrait rester autour de 5% en 2022 ainsi qu'en 2023 puis redescendre aux alentours de 4,5% tandis que le taux d'endettement, pressenti à la baisse avec le retrait des mesures exceptionnelles dans le contexte pandémique, reste à un niveau élevé (112%). La banque centrale française évoque "un point de vigilance": "Malgré la fin des mesures de soutien généralisé de type bouclier tarifaire, le ratio des dépenses publiques, à 56 % du PIB en 2025, pourrait être encore supérieur de deux points à son niveau pré-Covid", indique la Banque de France.
Olivier Garnier tempère néanmoins ces prévisions en soulignant que l'évolution de la conjonture en Chine constitue une source d'incertitude majeure. "S’il y a de nouveau des fermetures, il peut y avoir des tensions sur les approvisionnements mais si la Chine repart, il pourrait aussi y avoir une forte hausse de la demande chinoise en énergie et donc une hausse des prix."
(*) La banque de France reprend la méthode d'évaluation de l'inflation d'Eurostat, à savoir l'Indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) et non celle de l'Insee. En novembre, selon cette méthode permettant les comparaisons entre pays, l'inflation n'atteignait pas, en France, 6,2% sur un an mais 7,1%.