Le "carrousel", cette fraude à la TVA qui fait perdre à l'Europe 50 milliards d'euros par an

La fraude carrousel est une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée qui s’est multipliée depuis la création du Marché unique européen en 1993. - Emmanuel Dunand-AFP
Aux côtés de l'évasion fiscale des firmes multinationales, la fraude carrousel à la TVA pèse sur les finances publiques des États-membres de l'Union européenne. Le manque à gagner est évalué à 50 milliards d'euros par an, selon une grande enquête organisée et publiée par 35 médias européens dont le quotidien Libération en France.
Ces fraudeurs en col blanc sévissent sur le marché unique européen grâce à des montages juridiques bien connus. Ils créent plusieurs entreprises dans plusieurs pays pour obtenir le remboursement, par un État membre de l’Union, d’une taxe qui n’a jamais été acquittée en amont, ou réduire le montant de la TVA à payer.
A la fin des années 2000, la mise au jour d'une gigantesque fraude sur la TVA des quotas carbone (les "droits à polluer") a révélé au grand public l'ampleur financière de cette criminalité financière jusqu'ici connue des seuls spécialistes.
Les États-membres restent souvent impuissants
Cette fraude carrousel implique "des entreprises situées dans plusieurs pays de l’UE, qui vont faire circuler, souvent fictivement et en boucle, des marchandises pour réclamer à un pays de l’UE le remboursement de la TVA, qui n’a en réalité jamais été acquittée. En répétant leurs opérations rapidement durant quelques mois, ce manège va permettre de se faire payer plusieurs fois la taxe" explique le quotidien.
L'enquête publiée souligne aussi l'incapacité des États-membres à enrayer ces mécanismes de fraude. "Lorsque les services de collecte des impôts des pays concernés se rendent compte de la supercherie, il est déjà trop tard: les entreprises, détenues par des hommes de paille, se sont volatilisées et l’argent a été placé dans des paradis fiscaux" souligne Libération.

"Ces fraudes sont les plus importantes en termes de montants et constituent le premier marché criminel au sein de l’UE, en concurrence directe avec le trafic de drogue", selon Pedro Felcio, chef de l’unité de lutte contre la criminalité organisée à Europol, interrogé notamment par les médias allemands Correctiv et ZDF, partenaires de cette enquête journalistique européenne. Ces fraudes à grande échelle sont le fait de groupes criminels pakistano-britanniques ou franco-israéliens et aussi de la mafia italienne.
La fraude carrousel à la TVA a prospéré à la suite de la création du Marché unique européen en 1993, "notamment dans les secteurs du commerce des composants électroniques, de la téléphonie mobile et du textile" précise une note de la direction générale des finances publiques. Les fraudeurs tire parti du fait qu'on doit régler la TVA dans le pays de destination de la marchandise, et non dans le pays où elle est débarquée, puisque la livraison intra-communautaire de marchandises est exonérée.
La difficulté pour les autorités fiscales à identifier le phénomène vient aussi du fait que "dans le cadre d’un circuit carrousel, les flux financiers et de facturation peuvent être dissociés du flux de marchandises, la fraude carrousel reposant sur un circuit de facturation qui apparaît cohérent alors que le flux physique de marchandises peut être complètement fictif" souligne la note de Bercy.