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Faut-il réduire les taux de TVA sur certains produits?

La TVA rapporte plus de 145 milliards d'euros par an

La TVA rapporte plus de 145 milliards d'euros par an - Philippe Huguen-AFP

La réforme de la directive TVA de l'Union européenne va permettre aux Etats membres d'appliquer des taux réduits voire nuls sur de nouveaux produits. Les gains de pouvoir d'achat que pourraient en tirer les ménages modestes sont toutefois loin d'être garantis.

Une "TVA à taux zéro sur les produits de l'agriculture biologique". C'est ce que propose la candidate à l'élection présidentielle, Christiane Taubira, pour inciter les consommateurs à se tourner vers le bio. Mais cette mesure est-elle réellement effiace? Rien n'est moins sûr; nous y reviendrons.

Politiquement en revanche, faire évoluer les taux de TVA relève d'un geste à forte portée symbolique. Avec 95,5 milliards d’euros (net de remboursements et dégrèvements) perçus en 2021, la TVA inventée en France en 1954 s’impose de loin comme la première source de revenus de l'Etat. A elle seule, cette taxe essentiellement payée par les consommateurs pèse près d’un tiers des recettes fiscales de la puissance publique.

Depuis 2014, son taux "normal" est fixé à 20%. Il s'applique aux deux-tiers des biens et services, rappelle sur son site François Ecalle, ancien rapporteur général de la Cour des Comptes. La France compte également deux taux réduits: 10% (hôtellerie, restauration, transports…) et 5,5% (produits alimentaires, gaz, électricité, livres…). Leur application est strictement encadrée par l’Union européenne. Tout comme celle du taux "super-réduit" de 2,1% qui concerne essentiellement les médicaments remboursables par la Sécurité sociale, la presse et les spectacles vivants.

Nouvelles règles

Mais l’Union européenne s’apprête à modifier les règles. En décembre dernier, les ministres des Finances des 27 ont approuvé une réforme de la directive TVA qui permettra aux Etats d’intégrer davantage de biens et services dans la liste des produits éligibles au taux réduits. Cela concernera notamment les services numériques ainsi que les produits bénéfiques pour l’environnement et la santé.

Certains biens et services "couvrant des besoins fondamentaux" (produits alimentaires, pharmaceutiques, livres…) pourront de surcroît être exonérés de TVA, détaille la représentation en France de la Commission européenne. A l’inverse, l’application de taux réduits et d’exonérations sur les produits "jugés préjudiciables à l’environnement" sera interdite d’ici à 2030.

Pour la Commission européenne, ces nouvelles dispositions visent à aligner les règles en matière de TVA sur ses priorités: "la lutte contre le changement climatique, l’appui à la numérisation et la protection de la santé publique". Mais la plus grande flexibilité accordée aux Etats permettra aussi à ceux qui le souhaitent de baisser la TVA de certains produits -jusqu’alors exclus du champ des biens éligibles aux taux réduits- pour préserver en partie le pouvoir d’achat des consommateurs dans un contexte marqué par le retour de l’inflation.

Baisse la TVA: l'exemple (décevant) de la restauration

En France, le gouvernement a refusé ces dernières semaines de baisser la TVA sur les carburants, invoquant le coût considérable d’une telle mesure, alors que la dette publique dépasse déjà les 115% du PIB, et les économies modestes qui en découleraient pour les automobilistes. Il est vrai que l’application de nouveaux taux réduits et super-réduits ne serait pas sans conséquence pour les comptes publics. Selon François Ecalle, ces taux intermédiaires représentaient déjà en 2019 un manque à gagner de 53 milliards d’euros pour l’Etat par rapport à une situation dans laquelle seul le taux normal serait appliqué.

Mais au-delà de son coût pour les finances publiques, l’une des questions est surtout de savoir si la mise en place de taux réduits sur de nouveaux produits serait réellement efficace pour soutenir le pouvoir d’achat des ménages, et en particulier des plus modestes.

Les expériences passées ne plaident pas vraiment en faveur des réductions de TVA. En 2009, la France avait obtenu le feu vert de Bruxelles pour abaisser la TVA de 19,6% à 5,5% dans la restauration. Depuis, plusieurs travaux ont montré que cette mesure s’était traduite avant tout par une augmentation des marges. Une étude de l’Institut des Politiques Publiques affirmait par exemple que seul 9,7% du gain de TVA avait in fine été transféré au profit des clients.

"Cet effet n'est pas entièrement négatif en soi puisque l'accroissement des marges qui en résulte (…) favorise l'investissement. Les effets sur l'emploi ont néanmoins été très limités eu égard au coût budgétaire de ces mesures, par comparaison aux allègements de cotisations sociales sur les bas salaires qui sont donc bien plus efficaces", assure François Ecalle.

Une baisse qui profite davantage aux riches

Une autre critique que l’on peut formuler sur la baisse de la TVA est qu’elle ne permettra jamais de cibler uniquement les ménages modestes. Réduire le taux appliqué sur les produits de première nécessité, comme le réclament certains, profiteraient à tout le monde, même à ceux qui ont amplement les moyens d'assumer une taxation à 20%.

Pis, une étude de l’OCDE publiée en 2014 montre que "de nombreux taux réduits de TVA sont en réalité plus favorables aux ménages aux revenus les plus élevés qu’aux ménages à faibles revenus". Et pour cause, les premiers consommant en plus grandes quantités que les seconds, ils bénéficient davantage d’une baisse de la TVA "en valeur absolue et en proportion des dépenses".

Baisse de TVA ou coup de pouce financier?

La réforme de la directive TVA de l’Union européenne a pour principal objectif de réduire les taux appliqués sur des biens et services qui contribuent à la transition écologique et numérique. Mais il semble là-encore que cette option ne soit pas la plus efficace puisque "la TVA est fixée sur des prix hors-taxes, donc sur la valeur des produits plutôt que sur le volume consommé", explique François Ecalle.

Pour illustrer son propos, l’ancien rapporteur général de la Cour des comptes suppose l’application de taux réduits de TVA sur les vélos afin d’en encourager l’achat. Le problème de cette mesure, c’est qu’elle procurerait une aide plus importante aux vélos les plus chers. C’est pourquoi François Ecalle préconise plutôt le versement de subventions aux ménages.

Il est en effet "préférable de donner cinquante euros par vélo, que le vélo soit un vélo de luxe ou un vélo de base, plutôt que de créer un taux réduit de TVA sur les vélos qui donnerait droit à une aide supérieure lors de l’achat d’un vélo de luxe".

https://twitter.com/paul_louis_ Paul Louis Journaliste BFM Eco