Espagne, Belgique, Etats-Unis: ces pays qui ont déjà fonctionné sans budget

Pas de budget au 1er janvier, c'est grave docteur? Alors qu'une "loi de finances spéciale" est "prête" et devrait être adoptée afin de reconduire les crédits de 2024 et prélever l'impôt, la France n'est pas le seul pays à avoir dû composer temporairement sans budget. Des précédents internationaux sur lesquels l'hexagone peut s'appuyer -ou pas- pour sortir de la crise. En effet, les conséquences de cette situation diffèrent grandement en fonction des États.
En Espagne, l'absence de budget ne suscite pas la panique
Le projet de loi de finances présenté par le gouvernement socialiste Pedro Sanchez est actuellement dans l'impasse, faute de majorité au Parlement. L'hypothèse la plus probable est désormais qu'aucun budget ne soit adopté avant la fin de l'année. Pas de raison de s'inquiéter pour autant du côté de Madrid. En effet, le pays a déjà fonctionné tout au long de l'année 2024 sans loi de finances, en s'appuyant sur une reconduction automatique du cadre budgétaire établi en 2023. Ce dernier pourrait être reconduit une nouvelle fois en cas d'échec des négociations, la législation ne posant aucune limite aux années d'extension possible.
Du côté de Madrid, l'absence de budget apparaît moins comme un problème économique qu'une faiblesse politique. En effet, le budget 2023, particulièrement expansif, laisse de la marge à l'exécutif. "Il faudra faire un peu d'ingénierie budgétaire pour réassigner les postes de dépenses d'un secteur à un autre, mais cela n'entraînera pas de difficulté majeure", soulignait le ministre de l'Économie Espagnol, Carlos Cuerpo, aux Echos, le 12 octobre dernier.
D'autant que si le gouvernement espagnol échoue à faire adopter son projet de loi de finances, il a, par ailleurs, réussi à instaurer la création de nouveaux impôts, augmentant les moyens disponibles. Sans oublier que la bonne dynamique de la croissance espagnole (3% cette année) a conduit à une forte création d'emplois, réduisant les dépenses en matière de chômage. Reste que l'absence de budget retarde la mise en place de réformes sociales et économiques de plus grande ampleur.
Belgique, une crise politique conduisant à une plus forte austérité
Entre 2010 et 2011, la Belgique est restée sans gouvernement de plein exercice pendant près 589 jours. Et qui dit gouvernement démissionnaire, dit absence de budget, conduisant, là aussi, à une reconduction du précédent cadre budgétaire. Néanmoins, ce blocage institutionnel au niveau fédéral avait été contrebalancé par une relative stabilité des gouvernements et parlements régionaux et communautaires. Ces derniers disposant de réelles compétences sur le plan macroéconomique, qui représentaient alors 30% du budget national.
Alors que la plupart des pays européens étaient plongés dans une cure de rigueur forcée survenue à la suite de la crise de la dette dans la zone euro, la Belgique faisait alors figure de résistant. Pour autant, le retour à la réalité ne fut que plus douloureux. Et ce, pour rattraper le retard. En novembre 2011, le pays se dotait finalement d'un budget d'austérité pour 2012. Afin de faire repasser son déficit sous la barre des 3%, comme l'exige l'Union européenne, un effort historique de 11,3 milliards était demandé.
Ainsi, en 2012, l'État réduisait ses dépenses dans tous les domaines: les entreprises publiques telles que les chemins de fer et la poste, ainsi que les secteurs de la santé, de la défense et de la coopération, ont vu leurs budgets revus à la baisse. Bien que l'âge de départ à la retraite demeurait à 65 ans, les conditions pour accéder à la préretraite étaient durcies. Enfin, la durée du versement des allocations chômage, jusqu'ici illimitée dans le temps, se voyait encadrée.
États-Unis, des shutdowns qui coûtent cher
L'expression a été utilisée par plusieurs ministres français pour jouer les Cassandre en cas de censure du gouvernement. Aux États-Unis, le "shutdown" intervient lorsque le Congrès ne parvient pas à adopter un budget. Il s'agit alors d'un blocage administratif et politique qui consiste en une paralysie partielle des administrations. En clair, une partie du personnel de la fonction publique, jugée non-essentielle, est mise à l'arrêt (environ 800.000 fonctionnaires), le paiement des fonctionnaires est différé, certaines aides sont suspendues... Ce qui provoque d'importantes conséquences économiques.
Durant la dernière décennie, deux shutdown ont marqué les esprits, celui de 2013 et de 2018. Le premier, d'une durée de 16 jours, a amputé le PIB américain de 0,6% au quatrième trimestre, selon l'agence de notation Standard and Poor's.
Le second, est devenu le plus long shutdown de l'histoire des États-Unis, avec une durée d'un mois et trois jours. L'objet du litige: 5,7 milliards de dollars pour la création d'un mur anti-migrants à la frontière avec le Mexique réclamé par l'administration républicaine. Le président Donald Trump avait finalement cédé pour sortir de l'impasse budgétaire. Le coût de cette paralysie est estimé à environ 11 milliards de dollars par le Congressional Budget Office. Soit un montant près de deux fois supérieur à celui demandé pour la création du mur.