EDITO. Autoentrepreneurs, LBO, taxe soda: pourquoi les victimes du PLF se réveillent après la bataille

En temps normal, des hordes de cabinets de conseils sont chargés par les fédérations professionnelles de surveiller les débats budgétaires comme le lait sur le feu. L'idée est d’orienter le législateur avant l’examen du texte au Parlement, au pire pendant les débats, mais jamais après.
Cette année, on a un peu l’impression que tout le monde se réveille après la bataille: les autoentrepreneurs, les managers de société sous LBO, ou bien encore les industriels de l’agroalimentaire soumis à la taxe soda qui flambe. Alors même que l’examen a été interminable. Pourquoi? Plusieurs raisons à cela.
Plus d'attention sur les tractations que sur le fond
D’abord depuis le ras-le-bol fiscal de 2013-2014, on vit depuis une dizaine d’années dans un environnement fiscal plus calme. Hormis la hausse de la fiscalité verte qui a mené aux Gilets Jaunes, la pression fiscale a plutôt baissé. Entre 2014 et 2024, le taux de prélèvements obligatoires a diminué de deux points de PIB. L'angoisse fiscale a donc diminué à chaque PLF, l’attention des observateurs aussi.
Ensuite parce que l'attention du public et des médias s'est portée cette année bien davantage sur les tractations politiques que sur le fond du texte, qui passant de mains en mains au travers de trois gouvernements différents, a perdu tout cap.
On a beaucoup parlé des gros morceaux comme la surtaxe d'impôt sur le revenu pour les très grandes entreprises ou de la contribution sur les hauts revenus, mais on a clairement oublié le reste.
Enfin, il y a aussi un élément objectif qui fait que tout a été plus opaque: la partie recettes a été adopté avant la censure, sans seconde lecture, et après la loi spéciale qui nous a permis de passer le cap du 31 décembre, tout s'est joué en commission mixte paritaire, c'est-à-dire en conclave sans que personne ne soit au courant des discussions.
Mansuétude fiscale
Mais du coup, est-il utile de se réveiller maintenant que le texte est adopté? Oui, parce qu’avec un petit coup de pression politique, comme on l’a eu sur les seuils d’exonération de TVA des autoentrepreneurs, on a vu que les lignes pouvaient encore bouger.
C’est en tout cas le signal qui a été donné par le ministre de l'Économie et des Finances, Eric Lombard, quand il a accepté de les recevoir pour ouvrir des discussions.
Et du coup, tout le monde s’est engouffré dans la brèche: les managers d’entreprises sous LBO, les industriels de l’agroalimentaire sur la taxe soda, les gestionnaires de flottes d’entreprises dont la taxe sur les véhicules thermiques va littéralement exploser dans les prochaines années.
Malheureusement, il n’y aura pas de mansuétude fiscale pour tout le monde. Bercy devrait rester ferme sur les autres mesures, face à un déficit public toujours abyssal de 150 milliards d’euros à financer.
Contrairement à ce que promet le gouvernement, il faudra probablement de nouvelles hausses d’impôts l’année prochaine. Peut-être que cette fois-ci, les lobbys, les cabinets de conseil, les fiscalistes et les journalistes feront un peu plus attention.