Dérapage du déficit public: le patron de l'Insee juge Bercy trop "seul" dans ses prévisions

Le directeur général de l'Insee a estimé mercredi que des experts en finances publiques devraient participer à la confection du budget pour éviter à Bercy "de porter seul la responsabilité" des erreurs de prévisions. Jean-Luc Tavernier était questionné par la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur le dérapage du déficit public en 2024.
Initialement prévu à 4,4% du PIB, largement au-dessus des 3% tolérés par Bruxelles, celui-ci devrait s'établir finalement à 6,1%, chiffre qui sera confirmé fin mars, mais que Jean-Luc Tavernier a considéré comme "réaliste". Le directeur général de l'Insee est membre du Haut conseil des finances publiques (HCFP), organisme présidé par le Premier président de la Cour des comptes Pierre Moscovici, et chargé de donner son avis sur les prévisions budgétaires du gouvernement.
Pas de volonté politique
Il a constaté que "tout un tas de gens publient des hypothèses macroéconomiques, et qu'on peut voir ainsi si on est dans le consensus", alors qu'il n'y a pas "tout cet écosystème" pour les prévisions de dépenses et de recettes. Pour Jean-Luc Tavernier, "il faudrait que certains labos académiques - il a cité l'Institut des politiques publiques, Rexecode, l'OFCE - soient incités, y compris en les finançant, à travailler sur ces sujets".
Il a jugé que "du point de vue de Bercy (ce serait) salutaire, car ce n'est pas bon d'être seul et de porter seul la responsabilité quand on se trompe". Questionné sur la part éventuelle de volonté politique dans les prévisions trop optimistes qui ont abouti au dérapage, Jean-Luc Tavernier s'est rangé à l'explication générale: "plutôt des erreurs de prévisions qui sont malheureusement pour la plupart tombées du mauvais côté".
"Collégialité
Cela a concerné la modération espérée mais non réalisée des dépenses des collectivités locales, de recettes d'impôt sur les sociétés très décevantes, ou des ménages qui ont épargné plutôt que de consommer, malgré la baisse de l'inflation à 2% en moyenne en 2024 après 4,9% en 2023.
Il a pesté enfin contre les conditions d'exercice du HCFP, qui nuit à la "collégialité" des travaux : "Je ne sais pas quand nous serons saisis pour une révision des hypothèses de la loi de finances initiale", a-t-il noté, comme celle d'un déficit public revu à 5,4% du PIB au lieu de 5% cette année ou d'une croissance abaissée à 0,9% au lieu de 1,1%. "Comment voulez-vous que je m'organise?", a-t-il lancé.