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Carrefour, Casino ou Auchan abusent-ils du chômage partiel?

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Les trois géants français de la grande distribution ont décidé de recourir au chômage partiel pour compenser la fermeture des rayons non-essentiels. Un choix critiqué par les syndicats et embarrassant pour le gouvernement.

90.000 la semaine dernière, 85.000 dimanche, 78.000 ce lundi. Même s'il a baissé en quelques jours, le nombre de salariés concernés par le chômage partiel chez Carrefour paraît, de prime abord, singulièrement disproportionné. Qui peut croire que le géant français de la grande distribution est contraint de mettre 70% de son effectif à l'arrêt pour compenser la fermeture des rayons non-essentiels? Sauf que sur ces 78.000 salariés, personne ne va se retrouver sans aucune activité.

Ceux qui travaillent dans les rayons non essentiels des hypers et des très grands supermarchés -4000 employés- vont passer à mi-temps. Les autres ne "chômeront" que deux jours par mois. La direction présente ce choix comme une forme de solidarité interne. Au total, ces mesures de chômage partiel reviennent à réduire globalement de moins de 9% le nombre d’heures travaillées par l’ensemble des salariés. Et Carrefour insiste sur le fait qu'aucun des salariés ne sera financièrement pénalisés puisque le groupe s’engage à payer aux employés concernés la part du salaire net que ne règle pas l’Etat.

Des décisions prises localement chez Géant, Monoprix ou Leclerc

Une approche très différente donc de celle qui prévaut chez Auchan, où seuls les salariés des hypermarchés sont concernés et où la perte salariale n'est pas compensée. Au sein du groupe Casino, les demandes de chômage partiel se limitent, elles à deux enseignes: la chaîne d'hypermarché Géant et Monoprix, où la part des rayons non-essentiels pèse lourd dans les ventes.

Par ailleurs, chaque directeur de magasin, chez Géant comme chez Monoprix, décide localement du nombre de salariés concernés et du nombre d'heures ou de jours chômés. Ce principe prévaut par définition aussi chez Leclerc puisque le groupe fédère des indépendants. Chaque patron de magasin gère donc ses ressources humaines comme il le souhaite. Et il en va de même chez Intermarché ou Système U.

Moins de clients et des caddies moins remplis dans les hypermarchés

Pour toutes les enseignes ayant recours au chômage partiel, l'argument est le même. La fermeture des rayons non-essentiels a un impact sur le chiffre d'affaires. Et ce dernier est particulièrement important dans les hypermarchés. Selon la taille des magasins, leur emplacement, la période de l’année, le manque à gagner peut aller de 20 à 45%. Et ce manque à gagner est accru par la baisse de la fréquentation. A quoi bon faire des kilomètres en voiture pour se rendre dans un hypermarché dont les rayons sont en partie inaccessibles quand on a un supermarché bien achalandé près de chez soi?

Du côté des syndicats, ces arguments ne justifient néanmoins pas le recours au chômage partiel. La CFDT s'insurge contre cet "opportunisme financier". Tout comme comme la CGT qui appelle à une mobilisation massive le 27 novembre, jour du black friday. Les syndicalistes de la distribution reprochent aux géants du secteur de faire ainsi "pression sur le gouvernement" pour obtenir une réouverture rapide de tous les rayons. De quoi mettre la ministre du Travail dans une situation inconfortable. Elisabeth Borne s'est vu obligée dimanche de répondre que ses services vérifieront le bien fondé des demandes tout en soulignant que "l'activité partielle ça sert à éviter les licenciements."

Pierre Kupferman
https://twitter.com/PierreKupferman Pierre Kupferman Rédacteur en chef BFM Éco