Dégénérescence maculaire: 3 laboratoires lourdement sanctionnés pour "pratiques abusives"

Le siège de Novartis à Bâle, en Suisse. - Fabrice Coffrini - AFP
L'amende est salée, elle constitue même un record. Les laboratoires pharmaceutiques Novartis, Roche et Genentech ont été sanctionnés à hauteur de 444 millions d'euros pour "pratiques abusives" par l'Autorité de la concurrence. Cette dernière accuse les trois labos d'avoir cherché à "préserver" les ventes d'un médicament traitant la dégénérescence maculaire (DLMA), principale cause de malvoyance chez les personnes de plus de 50 ans, au détriment d'un traitement concurrent bien moins cher.
"Les pratiques en cause sont particulièrement graves, car elles sont intervenues dans le secteur de la santé, où la concurrence est limitée", assène l'Autorité.
Et d'expliquer: "Le laboratoire Genentech a développé un médicament, le Lucentis, traitant la DMLA. Il a aussi développé un autre médicament, un anticancéreux, l’Avastin. Les médecins se sont rendu compte que l’Avastin avait des effets positifs pour les malades atteints de DMLA, ce qui a conduit à un développement de son usage, hors autorisation de mise sur le marché (AMM), pour traiter cette maladie, alors que par ailleurs l’Avastin avait un coût 30 fois moins élevé que le Lucentis", expliquent les sages de la rue de l'Echelle.
Empêcher un manque à gagner
L'Autorité précise en effet que le traitement Lucentis a un coût de 1161 euros par injection alors que l'Avastin ne coûte que 30 à 40 euros par injection.
"C’est dans ce contexte que les laboratoires Genentech, Novartis et Roche ont mis en œuvre un ensemble de comportements (abus de position dominante collective) visant à préserver la position et le prix du Lucentis, en freinant l’utilisation hors AMM de l’anticancéreux Avastin", peut-on lire dans le communiqué.
"Compte tenu des différences de coût de traitement entre les deux spécialités, toute utilisation d’Avastin à la place de Lucentis était susceptible d’entraîner un manque à gagner significatif pour chacun des trois laboratoires concernés".
Dénigrement
L'Autorité souligne que "Novartis a cherché à faire échec aux initiatives des médecins ophtalmologistes qui, dans le cadre de leur liberté de prescription, décidaient de prescrire Avastin hors AMM en ophtalmologie. Il a diffusé un discours dénigrant, qui exagérait, de manière injustifiée, les risques" liés à son utilisation. Cette pratique a eu pour effet de limiter les prescriptions d’Avastin.
"Novartis, Roche et Genentech ont par ailleurs été sanctionnés pour avoir mis en œuvre un ensemble de comportements de blocage et pour avoir diffusé un discours alarmant, et parfois trompeur, auprès des autorités publiques", poursuit l'Autorité.
Concrètement, Novartis est le plus lourdement sanctionné (385,1 millions d'euros d'amende) tandis que Roche/Genentech écope de 59,7 millions d'euros d'amende.
Novartis a indiqué dans un courriel à l'AFP qu'il comptait faire appel de la décision. Il "réfute fermement" les accusations de l'Autorité et fait également valoir que le remboursement d'un médicament dans une indication thérapeutique non prévue par son autorisation de mise sur le marché, et ce malgré l'existence de médicaments ayant cette AMM, est "une menace pour le système établi légal et réglementaire".
De son côté, Roche s'est dit "déçu" de la décision des autorités, et indique qu'il va étudier les prochaines étapes, sans préciser s'il compte faire appel. Contacté, Genentech n'a pas réagi dans l'immédiat.