Loi pouvoir d'achat: le bilan des premières mesures votées et des compromis à l'Assemblée

L'Assemblée nationale en a fini de son premier grand texte de loi pour le second quinquennat Macron. La "loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat" a été adoptée en première lecture au Palais Bourbon.
Le texte de loi a donné les orientations de l'exécutif sur ses premiers chantiers, du pouvoir d'achat à la crise énergétique.
Des primes triplées mais pas de hausse de salaires
Principale mesure et principal point d'achoppement avec l'opposition de gauche: le triplement du plafond de la "prime Macron". Ce dispositif implanté lors du précédent quinquennat et versé par les entreprises, sans contrainte. Si le plafond augmente, le montant versé demeure bien à l'appréciation individuelle des entreprises - jusqu'ici, il tournait autour des 500 euros, soit la moitié du plafond.
L'exécutif a fait voter la pérennisation de la prime, sous deux aspects. Un premier versement pourra être fait d'ici au 31 décembre pour une valeur maximale de 3000 euros, contre 1000 jusqu'ici: il concernera les salariés gagnant moins de trois fois le SMIC, et sera défiscalisée. Les entreprises ayant signé un accord d'intéressement pourront monter jusqu'à 6000 euros.
Mêmes plafonds pour le second volet, une prime dite "de partage de la valeur", rendue annuelle à partir de 2023. Celle-ci sera soumise à l'impôt sur le revenu, et pourra concerner tous les salariés.
Le gouvernement reste ferme sur sa position: pour lutter contre la dégradation du pouvoir d'achat des salariés, il veut laisser la main aux entreprises. Quitte à donc repousser toute hausse des salaires, comme proposée par un amendement de la France Insoumise, le groupe de gauche réclamait un salaire minimum porté à 1500 euros, sans succès.
AAH, loyers et APL
L'hémicycle s'est en revanche mis d'accord de façon quasi-unanime sur la déconjugalsiation de l'Allocation Adulte Handicapé (AAH), censée renforcer les revenus des personnes handicapées. Le versement de cette aide ne sera plus conditionné aux revenus du ou de la conjointe.
La majorité l'avait poussée après que la réforme soit devenue une proposition du candidat Macron ; sous son précédent mandat, les oppositions avaient plusieurs fois réclamé la mesure, toujours repoussée par LREM.
Un seul député, sur les 429 ayant exprimé leurs voix, a fait résonner un son de cloche différent, plaidant pour une refonte plus globale et dénonçant une trahison de la "solidarité à la française", souvent familiale.
Autre élément censé permettre de libérer du pouvoir d'achat, l'encadrement de la hausse des loyers, qui ne pourra pas atteindre plus de 3,5% en 2023 (2,5% en Outre-mer, et 1,5% en Corse et en zone de revitalisation rurale), via une limitation de l'indice de référence des loyers (IRL). La gauche a poussé pour un gel des loyers, en vain.
Enfin, certaines prestations sociales ont été revalorisées: c'est le cas des APL, boostés de 3,5% pour tenter de suivre en partie l'inflation, et des pensions de retraites, revalorisées de 4% sans attendre la fin de l'année, comme l'avait promis le candidat Macron.
Gaz de schiste et centrales à charbon
Dans la nuit de jeudi à vendredi, les députés ont débattu de l'ultime volet du texte, concernant l'indépendance énergétique. L'article 14 lance la construction d'un terminal gazier flottant au large du Havre, destiné à accroître les capacités de la France à importer du gaz étranger, palliant ainsi aux futures restrictions de l'approvisionnement russe.
Une mesure votée par la majorité mais fustigée par tous les principaux groupes d'opposition. La gauche a notamment reproché au gouvernement de vouloir augmenter les livraisons de gaz de schiste américain, exploité dans des conditions écologiques désastreuses.
Deuxième point de frictions sur le sujet, l'article 15, dernier texte voté dans la nuit. Il prévoit la réouverture de la centrale à charbon de Saint-Avold (Moselle), pour faire face aux besoins énergétiques du pays.
Accusé de soutenir un projet climaticide, l'exécutif a défendu l'idée que cela ne représentait qu'1% de la production nationale d'électricité, et que les émissions seraient compensées. Sans convaincre la NUPES, mais en empochant les soutiens de 50 députés RN. Un signe, là encore, des futures compromis possibles dans la chambre basse.
Elle doit désormais aborder la loi de finances rectificative pour le budget 2022 (qui comprendra notamment les remises carburant et le doublement de la prime transport), quand le Sénat va lui s'emparer de cette première mouture de la loi pouvoir d'achat.