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Le vêtement d'occasion envahit les grands magasins et les boutiques de marques

Aujourd’hui, sur terre, il y a suffisamment de vêtements déjà créés pour habiller 8 fois la population mondiale.

Aujourd’hui, sur terre, il y a suffisamment de vêtements déjà créés pour habiller 8 fois la population mondiale. - MUSTAFA OZER / AFP

Les Galeries Lafayette, Patagonia ou encore Sézane: les marques et magasins de prêt-à-porter, constatant l’engouement grandissant des consommateurs pour la fripe, commencent à en intégrer dans leurs boutiques, avec plus ou moins de sincérité dans leur démarche.

Pour la première fois cette année, en marge du salon Who’s Next Paris, le grand raout des marques fashion qui veulent devenir les grandes de demain, accueillera "Impact", un évènement dédié à la mode responsable. Un sujet dans l’air du temps : les ventes de vêtements, accessoires et chaussures d’occasion ont touché un record en 2018, à 24 milliards de dollars au total dans le monde.

La fringue d’occasion a même tellement le vent en poupe qu’elle devrait dépasser le marché de la fast fashion d’ici 2028. Devant un tel engouement des consommateurs pour la fripe, les magasins et les marques se mettent en ordre de marche pour décrocher, eux aussi, leur part du grisbi.

LeBonCoin à fond sur la fripe

Sur internet d’abord, les sites de revente de fringues seconde main se multiplient, tous alléchés par le succès de Vinted. L’application de revente de vêtements et accessoires entre particuliers inspire d’ailleurs des acteurs historiques qui, jusque-là, ne s’intéressait pas tellement aux chiffons. Ainsi Le Bon Coin, qui a racheté la marketplace VideDressing fin 2018, en a tiré des fonctionnalités concrètes cet été. Il y a quelques jours, le site s’est doté de plein d’outils pour faciliter la recherche de vêtements d’occasion à ses utilisateurs, comme des filtres par univers (femme/homme), par type de vêtement, taille, marque, etc.

Mais la grande tendance ces dernières semaines, ce sont des magasins ou des marques de prêt-à-porter classiques qui se mettent à la fripe. Citadium, le Printemps ou Les Galeries Lafayette logent désormais en leur sein des corners vintage aussi vastes que ceux des marques de première main. Et les Galeries vont encore plus loin en multipliant les partenariats avec des friperies.

Le pop-up La Bonne Pioche aux Galeries jusqu'au 19 septembre.
Le pop-up La Bonne Pioche aux Galeries jusqu'au 19 septembre. © Le pop-up La Bonne Pioche aux Galeries jusqu'au 19 septembre.

Cet été, les grands magasins du boulevard Haussmann ont hébergé le pop-up store de La Frange à l’envers, une boutique parisienne qui vend des pièces déjà portées de griffes comme Carven, Sessùn, &Other Stories, Maje, APC, Manoush ou Isabel Marant. Et en cette rentrée, c’est La Bonne Pioche, autre spécialiste de la seconde main, qui s’installe sur les grands boulevards jusqu’au 19 septembre.

Au-delà de ces espaces multimarques, les griffes de prêt-à-porter traditionnelles se mettent aussi à la seconde main. "Elles n’ont plus le choix, puisque la fast-fashion, qui a commencé à être remise en cause après le drame du Rana Plaza, est clairement arrivée en fin de cycle", décrypte Nawal Bonnefoy, journaliste pour BFMTV et blogueuse spécialiste du vintage.

Patagonia répare et recycle

Le premier à avoir acté cette évolution chez le consommateur est sans doute Patagonia, la marque de vêtements éco-conçus, qui réfléchit depuis sa naissance à réduire l’empreinte écologique de la confection textile, la deuxième industrie la plus polluante du monde. Une réflexion qui s’est concrétisée cet été, comme chaque année depuis 2013, par son programme "worn wear", un camion qui tourne partout en Europe pour réparer les vêtements Patagonia abîmés ou usés. Si le vêtement n’est pas réparable, elle en recycle les composants pour créer de nouveaux produits.

L'initiative est d’autant plus intéressante que, "aujourd’hui, sur terre, il y a suffisamment de vêtements déjà créés pour habiller 8 fois la population mondiale, ça n’a pas de sens d’en recréer, il faut réparer", illustre Nawal Bonnefoy, qui, depuis un an, n’a plus acheté aucun vêtement de première main.

72% des acheteurs de vêtements privilégiaient les marques "green" en 2018.
72% des acheteurs de vêtements privilégiaient les marques "green" en 2018. © 72% des acheteurs de vêtements privilégiaient les marques "green" en 2018, contre 57% cinq ans auparavant.

De son côté, Sezane, la petite marque parisienne en ligne, a eu le même genre d’idée, mais avec une démarche plus mercantile. Les 10 derniers jours de chaque mois, on trouve dans son showroom des pièces rapportées par des clientes qui ne les portent plus. On peut les acheter à prix bradés, et celles qui ont rapporté des vêtements obtiennent un bon de réduction de 10% sur la collection Sezane neuve. La marque affirme reverser tous les profits de cette opération à l’association Demain, qui lutte pour l’égalité des chances.

Attention au greenwashing

Pour Nawal Bonnefoy, cette initiative est davantage à ranger dans la catégorie "miroir aux alouettes". Comme ces marques qui font du greenwashing en communiquant sur leurs jeans fabriqués avec très peu d’eau. Tout en taisant qu’ils sont produits dans des pays lointains, avec un impact environnemental massif pour transporter ces vêtements de leur zone de conception vers les pays où ils seront vendus.

En revanche, la spécialiste du vintage se laisserait facilement convaincre de retourner dans des boutiques de première main qui installeraient des portants de vintage dans leurs allées. C’est la tendance qui prend corps actuellement aux États-Unis. Là-bas, des griffes ultra-connues comme Macy’s et JC Penney, vont proposer des robes, sacs à main et ceintures de seconde main au sein-même de leurs boutiques.

Ces fripes seront fournies par ThredUp, une plateforme spécialiste de la revente de fringues d’occasion entre particuliers. Elle proposera aux deux enseignes des vêtements au style cohérent avec le leur, et suggérera même les tailles idéales pour correspondre aux clientes potentielles des environs du magasin.

Aucune chance en revanche de voir la blogueuse retourner chez H&M, Zara ou toute autre marque de fast fashion, quand bien même elles adopteraient des pratiques plus green. Parce que pour elle, "ces marques ne pourront jamais se prétendre éthiques tant qu’elles continueront de créer l'attente avec de nouvelles collections chaque semaine".

Nina Godart