Le Sauternes ne veut plus être cantonné aux menus du réveillon

Le chef Jérôme Schilling crée des menus incluant l'appellation suivant les millésimes. - Georges Gobet- AFP
Depuis une trentaine d'années, l'appellation Sauternes-Barsac vend 70% de ses vins pour Noël et le Jour de l'an, surtout en France, Belgique et Suisse. Et il est principalement consommé avec du foie gras ou encore au dessert.
La sucrosité est l'une des raisons du manque d'attractivité des vins doux français, avec des ventes en baisse de 2% en grande surface en un an et de -10% pour Sauternes-Barsac.
Face à ce désamour, accentué par une image vieillotte de vin pour les grands-parents, les vignerons du Sauternais réagissent à coup de marketing et de nouvelles vinifications.
Restauration de luxe, export, excursions, ventes internet... ce vignoble du sud de Bordeaux veut retrouver son aura d'antan quand, lors du prestigieux classement des grands crus de 1855, les prix des 27 châteaux de Sauternes et Barsac dépassaient ceux des rouges de Bordeaux. Et dans les chais, on a fait évoluer les vins, qui sont aujourd'hui moins sucrés, plus frais et aromatiques, tout en continuant à produire des liquoreux traditionnels, concentrés et confiturés. En plus des 2050 ha de liquoreux situés dans l'appellation Sauternes-Barsac, 150 ha sont désormais consacrés à la production de vins secs, qui permettent de doper les ventes.
Les Sauternes sont aussi délaissés par les consommateurs au profit de vins doux moins chers, les Loupiac et Cadillac voisins, mais aussi le Jurançon, le Monbazillac ou le Gewurztraminer vendanges tardives, en Alsace.
Réapprendre aux gens la manière de le consommer
"C'est forcément un vin cher parce que, quoi qu'il arrive, on ne peut dépasser les 25 hectolitres par hectare alors que pour le blanc sec c'est 60 hl", explique le président de l'AOC Sauternes-Barsac, Xavier Planty.
"A cela s'ajoutent des vendanges très particulières avec deux, trois, cinq passages, ce qui représente un surcoût et nécessite une main d'oeuvre qualifiée sachant reconnaître les grains atteints de botrytis", cette pourriture noble qui dessèche et concentre les raisins, précise-t-il.
Face aux difficultés touchant les vins bordelais, l'appellation se maintient en particulier grâce à l'export, passé de 15 à 30% en dix ans, notamment avec les Etats-Unis et l'Asie. "En Chine, ils achètent pour des cadeaux de remerciement ou des repas d'affaires", souligne Xavier Despujols du château Lamothe-Despujols.
Le chef Jérôme Schilling, lui, crée des menus incluant l'appellation suivant les millésimes. "Nous, notre rôle et celui de l'équipe des sommeliers, est de réapprendre aux gens la façon de consommer. On peut le boire avec des huîtres, des plats très épicés, des viandes blanches, de la truffe...", explique ce chef qui conseille de "le consommer à la bonne température, à 9°C, car la sensation de sucre est moindre."
"A Sauternes, on le boit à toute occasion, dès l'apéritif. Avec une sole, une caille... Si on attendait de manger du foie gras, on ne boirait pas souvent notre vin!", s'amuse le vigneron Xavier Despujols.