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La loi alimentation a fait monter les prix et les agriculteurs ne sont pas mieux rémunérés

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- - GEORGES GOBET / AFP

Après des années de baisse des prix, la loi Egalim a permis de mettre fin à la surenchère promotionnelle. En revanche, certains distributeurs comme Carrefour ont réussi à la contourner et surtout elle n'a pas vraiment profité aux producteurs. C'était pourtant le but principal.

La loi Alimentation a-t-elle atteint son objectif? Cela dépend de quel objectif on parle. Le premier qui consistait à limiter les promotions a semble-t-il été atteint. Après plusieurs années de baisses de prix et de surenchère promotionnelle, la loi qui a été mise en place en début d’année, a selon l'institut Nielsen, en partie atteint son objectif.

Pour rappel, cette loi contenait trois mesures phares: les promotions sur les produits alimentaires ne doivent pas dépasser 34% (interdiction donc d'un offert pour un acheté), le seuil de revente à perte relevé de 10%, et la limitation des promotions à 25% du total des produits vendus en magasins.

Ces contraintes législatives ont effectivement permis d’enrayer la surenchère promotionnelle. Après cinq ans de déflation dans les grandes surfaces (les prix on baissé de 15% en cumulé entre 2013 et 2018), l'inflation a marqué son retour en 2019.

Le prix des alcools en hausse

Elle est au global assez légère (+0,3% depuis que la loi est entrée en vigueur) mais elle est plus forte sur certaines catégories comme les marques nationales où elle peut atteindre 10%. Les alcools sont les produits les plus touchés (le prix des whiskys a progressé de 4% en 2019) mais aussi les produits frais à base de matières premières peu transformées, comme le beurre, les fruits de mer et poissons ainsi que les produits carnés vendus en libre-service.

Des prix en légère en hausse donc et surtout moins de promotions. Pour la première fois depuis 2013, la part des produits vendus en promo est passée sous la barre des 20% (19,3% précisément). Le pic avait été atteint en 2017 avec 21,7% des produits achetés en promo. Mais on reste bien au-dessus de la décennie précédente. En 2000 par exemple, les promos ne représentaient que 13,1% des ventes.

Carrefour, le "caïd" qui contourne la loi

Ce qui n'a pas empêché certaines enseignes de contourner la loi. comme Carrefour par exemple traité de "caïd" par le président d'une commission d'enquête parlementaire en juillet dernier. Comme le relève, le spécialiste de la grande distribution Olivier Dauvers, le caïd s'est bien vengé en proposant une offre ouvertement provocatrice à l'occasion de son "mois Carrefour".

L'enseigne proposait ainsi des offres "un produit acheté, un produit offert". Sauf que pour entrer dans les clous de la loi, elle offre un autre produit que celui acheté. Par exemple: vous achetez un packs de bière Leffe, Carrefour vous un pack de bière Budweiser. Vous achetez un tube de mayonnaise Amora, Carrefour vous offre un ketchup de la même marque. Rien d'illégal, mais très provocateur.

"L’audace de Carrefour laisse autant pantois qu’elle interpelle, reconnaît Olivier Dauvers. “Le Mois” est en décalage tellement marqué avec le fameux "esprit des EGA" [les états généraux de l'alimentation aux cours desquels les distributeurs s'étaient engagés à mieux rémunérer la filière. NDLR] qu’il en devient a posteriori incompréhensible que Carrefour ait pu y apporter son soutien, ce qui était pourtant le cas."

Si hormis Carrefour, la loi a été globalement respectée par les distributeurs, l'objectif final n'a lui pas été atteint. Limiter les promotions servait in fine à mieux rémunérer les producteurs. Ce que la loi a échoué à faire. C'est ce qu'a constaté la commission parlementaire qui a rendu un rapport le 26 septembre dernier.

Près de six accords sur 10 signés en 2019 entre distributeurs et producteurs se sont soldés... par une baisse des prix. 12% des négociations ont permis une stabilité et seulement 28% par des hausses de prix d'achat. La commission a fait 41 propositions pour améliorer la loi. Car pour le moment le bilan c'est des hausses de prix pour les clients sans hausse de rémunération pour les producteurs.

Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco