Cette marque française de boisson au CBD interdite en plein imbroglio administratif européen

Lancée en 2020, cette start-up lyonnaise doit cesser sur arrêté préfectoral la commercialisation de ses boissons au CBD. Les autorités sanitaires européennes bloquent le marché en autorisant officiellement aucun produit alimentaire contenant la substance depuis 2022.

"Administration 1, Naka 0". Dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux, les créateurs de la boisson au cannabidiol (CBD) Naka sont dépités. Ils vont devoir suspendre leur activité et cesser immédiatement la commercialisation de leur boisson Naka vendue notamment dans les magasins Monoprix, Intermarché, Casino ou encore à La Grande Epicerie à Paris.

Cette start-up lyonnaise qui s'est lancée en 2021 sur le très prometteur marché des aliments au CBD a reçu en décembre dernier un courrier du Service Sécurité Sanitaire des Aliments de la Préfecture du Rhône les obligeant à suspendre leur activité.

Une législation récente

"Par arrêté préfectoral du 21 décembre 2023, Madame la Préfète du Rhône a enjoint NAKA SA de suspendre la mise sur le marché, jusqu’à l’obtention de l’autorisation de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) visée au règlement (CE) n°2015/2283 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 modifié, et de retirer ses produits : Naka Sunset canette Alu 250ml 30mg de CBD, Naka Moonlight canette Alu 250ml 30mg de CBD", peut-on lire dans l'arrêté.

Une interdiction que Yan Decock, le fondateur de Naka, a du mal à avaler.

"On nous demande de retirer immédiatement notre marchandise alors qu'il y a énormément de produits alimentaires au CBD en vente, des chocolats, des boissons..., explique l'entrepreneur. On autorise des produits qui viennent des Etats-Unis, du Royaume-Uni et on interdit ceux d'une petite société française."

Le problème c'est que la législation européenne est assez récente. Depuis 2019, les produits contenant des graines ou fibres de chanvre sont techniquement autorisés (ce qui est le cas de la boisson Naka). Ils sont considérés par la réglementation européenne comme des "Novel Foods", c'est à dire des aliments qui n’étaient pas consommés de façon significative avant 1997. Mais pour pouvoir être mis sur leur marché, ils doivent obtenir une autorisation préalable délivrée par l’Agence européenne de sécurité alimentaire (Efsa).

L'américain Mile High Labs, fournisseur de l'extrait de CBD avec lequel travaille Naka a bien fait la demande d'accréditation mais ne l'a jamais obtenue. Pour la simple raison que l'Efsa n'a délivré à ce jour aucune accréditation. Et ce malgré des centaines de demandes en attente. Depuis 2022, l'autorité européenne a même suspendu ses évaluations, attendant de nouvelles données concernant les effets sur le foi de l'ingestion de produits contenant du CBD.

Le Luxembourg alerte

"Il est important de souligner à ce stade que nous n’avons pas conclu que le CBD n’est pas sûr en tant qu’aliment", indiquait en 2022 Dominique Turck, le président du groupe d’experts de l’EFSA.

En théorie donc, aucun produit alimentaire contenant des extraits de CBD n'est autorisé à la vente en Europe en l'absence d'accréditation. Sauf qu'entre temps, ces produits ont inondé le marché. Quelques-uns ont fait l'objet de demandes de rappels en octobre dernier de la part de la Direction générale de l’alimentation (DGAL) en France comme ceux de la marque CBD Queen, CBD du Nord ou encore Green Vallée en se fondant sur une décision du Conseil d'Etat de décembre 2022.

Étonnamment, les boissons Naka n'étaient pas concernées. Jusqu'à ce que les autorités sanitaires luxembourgeoises découvrent les produits dans un Monoprix du Grand Duché.

"Le Luxembourg a alerté les autorités européennes en constatant que nous n'avions pas l'accréditation "Novel food", raconte Yan Decock. C'est dans la foulée que nous avons reçu le courrier de la Préfecture."

La société lyonnaise, qui avait fait une demande de pré-autorisation au moment de son lancement, pensait que l'accréditation définitive de l'Efsa interviendrait rapidement. Les produits alimentaires contenant du CBD étant autorisés dans les autres grands pays comme le Royaume-Uni et les Etats-Unis. Les autorités sanitaires européennes sont peut-être plus consciencieuses que leurs homologues voisines.

https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco