Comment la justice s’est retournée contre Lagardère

Le groupe Lagardère dans le viseur de la justice - AFP
Arnaud Lagardère fait la cruelle expérience de "l’arroseur arrosé". Le PDG du groupe Lagardère mène depuis trois ans une bataille acharnée contre le fonds activiste Amber Capital, qui détient aujourd’hui 18% du capital. En 2018, il a lancé une offensive judiciaire qui se retourne aujourd’hui contre lui.
Le Parquet national financier (PNF) a confirmé à BFM Business avoir ouvert une information judiciaire pour "d’abus de pouvoir, de présentation de comptes inexacts, de diffusion d’informations fausses ou trompeuses, d’abus de biens sociaux et d’achat de votes". L'enquête est passée au stade supérieur avec la nomination d’un juge d’instruction et se concentre sur le groupe Lagardère et les sociétés personnelles d'Arnaud Lagardère. Le groupe conteste ces accusations, toute infraction ou irrégularité. Amber n’a pas souhaité commenter.
En octobre 2018, Arnaud Lagardère porte plainte contre le fonds Amber pour délit d’initiés. Au cœur du sujet, le vote du Qatar, lui aussi actionnaire du groupe, lors de l’assemblée générale de mai 2018. Quelques jours avant, l’émirat vote en faveur des propositions d’Amber qui souhaite entrer au conseil d’administration de Lagardère.
Mais quelques jours plus tard, il se rétracte et change son vote. Lagardère estime qu’Amber a utilisé cette information privilégiée pour racheter, entre temps, des actions.
Les flux financiers entre les sociétés d'Arnaud Lagardère
Suite à cette plainte, le PNF a ouvert, en mai 2019, une information judiciaire et a confié l’enquête à l’Autorité des marchés financiers (AMF). Ses investigations ont duré un an et le fonds Amber leur a livré une série de documents qui a conduit le gendarme des marchés à ne pas poursuivre le fonds activiste.
En revanche, selon nos informations, plusieurs éléments apportés par la défense, ont poussé les enquêteurs de l’AMF à regarder dans une autre direction : celle du plaignant Lagardère. Les comptes de la société d’Arnaud Lagardère, Lagardère Capital Management (LCM) et des courriels sont au cœur de son rapport. Les flux financiers entre LCM, société à but professionnel d’Arnaud Lagardère, et sa société personnelle Lagardère SAS semblent avoir attiré l’attention de la justice pour, notamment, les motifs d'"abus de bien social" et "comptes inexacts", nous décrypte une source.
L’enquête de l’AMF a été envoyée au PNF qui, au printemps dernier, a donc décidé de saisir un juge d’instruction pour poursuivre les investigations. "La justice s’est complètement retournée contre Arnaud Lagardère", résume une source proche de Lagardère.
Son poste de PDG déjà ciblé
Depuis, au mois de mai, les deux belligérants ont signé un accord qui met fin à leurs poursuites mutuelles. Mais l’instruction du PNF était déjà lancée. La menace judiciaire est réelle même si l’enquête devrait durer de longs mois. Elle n’est pas passée inaperçue du côté des adversaires d’Arnaud Lagardère, Vivendi et Amber en tête.
"S’il venait à être mis en examen, il ne pourra pas garder son poste de PDG très longtemps", souligne une autre source.
Et pour cause, en 2018, Vincent Bolloré avait précipitamment quitté la présidence de Vivendi, laissée à son fils Yannick, quelques jours avant sa mise en examen pour corruption dans le cadre des affaires de son groupe familial en Afrique. Une "jurisprudence" qu’il aura à cœur d’imposer à Arnaud Lagardère.