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Cherche repreneur désespérément: la start-up Ynsect spécialisée dans l'alimentation à base d'insectes au bord de la liquidation

La start-up française Ynsect est spécialisée dans la production de nourriture animale à base d'insectes.

La start-up française Ynsect est spécialisée dans la production de nourriture animale à base d'insectes. - SEBASTIEN BOZON / AFP

Les éventuels repreneur du spécialiste de la production de protéines à base d'insectes ont jusqu'à ce jeudi soir pour se déclarer. Si personne n'est désigné par le tribunal de commerce, la start-up risque la liquidation.

A priori, on ne se bouscule pas vraiment à la porte d’Ynsect. La start-up française spécialisée dans l'élevage d'insectes pour l'alimentation a été placée début mars en redressement judiciaire.

À quelques heures de la date fatidique, cette source proche d'Ynsect assure que les dés ne sont pas jetés. "Il y a encore plein de scénarios possible", dit-il, rappelant que "de toutes façons, les candidats attendent le tout dernier moment pour sortir du bois."

Tout se joue désormais dans le bureau de l'administratrice judiciaire en charge de ce dossier. Les candidats ont jusqu'à ce jeudi soir, minuit, pour se déclarer. Une audience est ensuite prévue lundi prochain, au tribunal de commerce d'Evry (Essonne).

Ces dernières semaines, les unes après les autres, les rumeurs d'éventuels repreneurs se sont dégonflées. Il y a notamment eu l'hypothèse Nestlé. D'après plusieurs sources, il y a bien eu des discussions, mais pour parler de futurs achats de produits. Pas pour une prise de participation. Le nom du fonds singapourien Temasek a aussi été évoqué, mais selon nos informations, il n'est pas du tout intéressé. Il a d'ailleurs investi dans Inovafeed, qui est l'un des concurrents d'Ynsect.

Le dossier est suivi de près par Bercy et par BPI france, qui a participé à plusieurs tours de table pour lever des fonds. Ni l'un ni l'autre n'ont souhaité commenté. En tout, depuis son lancement en grande pompe en 2011, Ynsect a levé 600 millions de dollars. Cela a notamment permis de faire sortir de terre, en mai 2021, une usine de 45.000 mètres carrés et de 35 mètres de haut, dans la Somme. Elle était présentée alors comme "la plus grande ferme verticale au monde." La start-up compte aujourd'hui 214 salariés.

Des insectes trop chers

Mais la mécanique s'est enrayée. Ces dernières années, les difficultés se sont accumulées, si bien que l'entreprise a été placée en procédure de sauvegarde à l'automne dernier.

Dans un communiqué de presse, fin septembre, la direction explique que c'est la "conjoncture économique et financière complexe, caractérisée par l'assèchement des financements habituellement dirigés vers les entreprises en croissance", qui l'ont poussée à se tourner vers le tribunal de commerce d'Evry.

"L'atterrissage du projet industriel, écrit-elle aussi, nécessite encore des capitaux additionnels dans l'attente d'un niveau de production et de ventes permettant d'assurer la rentabilité de l'entreprise."

Il y a le problème de l'argent frais, mais il y a aussi eu un problème de compétitivité pour la nourriture animale, d'après un spécialiste du secteur.

"Les insectes coûtent en moyenne deux à trois fois plus cher que la farine de poisson et dix fois plus cher que celle de soja, sans compter des coûts de production très élevés, notamment en chauffage, pour élever ces insectes", explique Corentin Biteau, cofondateur de l'Observatoire national de l'élevage d'insectes (ONEI).

"Je trouve cela très triste parce qu'on avait cette pépite française et on n'a pas réussi à l'accompagner au mieux", se désole un bon connaisseur du dossier. Il estime qu'il y a peut-être eu "des erreurs de stratégie, comme cela arrive partout", "des investisseurs qui ont changé de stratégie", "le Covid et un contexte économique qui s'est renversé", mais il regrette surtout qu'on n'ait pas "laissé le temps à l'entreprise de se développer".

"Quand on lève autant d'argent, on n'est plus chez soi", fait-il aussi remarquer, espérant que "l'aventure ne s'arrêtera pas là." Si aucun repreneur n'est désigné, Ynsect risque d'être liquidée.

Pauline Tattevin