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INFO BFM BUSINESS. "Ça va vraiment mal": année noire pour Tiffany, le joyau américain de LVMH

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Selon nos informations, les résultats du joaillier américain, racheté à prix d’or il y a quatre ans, sont décevants. Sa relance prend du temps.

Le monde entier les a vus à la cérémonie d'investiture de Donald Trump lundi, à Washington. Le PDG de LVMH, Bernard Arnault, son épouse et deux de ses enfants, Delphine et Alexandre, étaient placés à droite du pupitre, derrière les Clinton et George W. Bush.

En ce début de semaine, aussi, une partie de l'état-major du numéro un mondial du luxe est à New York, berceau du joyau familial Tiffany, que LVMH a racheté pour 16 milliards de dollars en 2021. La plus grosse acquisition de son histoire. Mais selon nos informations, quatre ans plus tard et un an et demi après la réouverture en grande pompe de son vaisseau amiral de 10.000 mètres carrés sur la Cinquième Avenue, la pépite américaine n'a toujours pas retrouvé l'éclat escompté.

"Ça va vraiment mal", assurent plusieurs sources, proches du groupe et expertes du secteur.

Les onze premiers mois de l'année ont été difficiles. Une source proche du groupe assure que le résultat de Tiffany a chuté de 35% à fin novembre, sur un an. La direction de LVMH ne commente pas. Elle publiera ses résultats annuels mardi prochain.

Une année "en dessous du budget"

Les chiffres de chacune des 75 maisons ne sont jamais dévoilés par LVMH. Mais mi-octobre, pour l'activité montres et joaillerie, dont Tiffany représente l'un des plus gros morceaux, le groupe a fait état d'une baisse de 3% des ventes sur les neuf premiers mois de l'année 2024. C'était aussi le cas pour le premier semestre, avec un résultat opérationnel en baisse de 19% à 877 millions d'euros pour cette division montres et joaillerie. Une baisse que la direction de LVMH expliquait alors par l'impact des changes.

Heureusement pour Tiffany, les fêtes de fin d'année ont, selon nos informations, été meilleures. Précieux, quand on sait que le mois de décembre peut représenter 10 à 15% du chiffre d'une maison comme celle-ci. "Le dernier trimestre a été très performant, mais il n'a pas permis de rattraper l'année et ils finissent en dessous du budget", précise toutefois un bon connaisseur du groupe. "Cela ne pourra pas gommer le reste", ajoute un autre.

Le ralentissement mondial a évidemment pesé. Comme la prudence des consommateurs américains avant les élections présidentielles. Tiffany est particulièrement exposée à la classe moyenne américaine, qui a souffert de l'inflation et de la hausse des taux.

Le "drama" de la campagne avec Beyoncé et Jay-Z

Mais son mal est plus profond, selon plusieurs sources, qui pointent notamment du doigt des erreurs marketing, comme la campagne de publicité avec Beyoncé et son mari Jay-Z, dès l'été 2021. La maison assume de vouloir rajeunir l'image de marque et invente même à l'époque le slogan "Not your mother's Tiffany" ("Ce n'est pas le Tiffany de ta mère").

"Ils se sont trompés de cible", lâche un expert du secteur, quand un autre relate le "drama" qu'a provoqué en interne le choix de Beyoncé et de Jay-Z par Alexandre Arnault, qui était alors directeur exécutif, produits et communication de Tiffany.

"C'était très clivant. Chez LVMH, ils étaient plutôt contre, nous dit-il aussi. Cela a été perçu comme étant le choix des enfants Arnault."
Morning Retail : Tiffany, destination retail à Manhattan -18/01
Morning Retail : Tiffany, destination retail à Manhattan -18/01
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Le patron sur la sellette?

Après quatre ans chez Tiffany, Alexandre Arnault, 32 ans, a quitté son poste mi-novembre pour rejoindre Moët Hennessy, la branche vins et spiritueux de LVMH. "Cela ne se passait pas bien, alors il a été exfiltré", raconte un proche du groupe, quand d'autres expliquent que ses compétences étaient désormais attendues ailleurs. "Je pense qu'il ne faut pas surestimer le poids d'Alexandre Arnault chez Tiffany. Ce n'était pas le patron", tempère une source.

"C'est le patron qui est responsable", surenchérit un expert du secteur, pour qui Anthony Ledru, nommé président directeur général lors du rachat par LVMH, est d'ailleurs sur la sellette.

Quant à Alexandre Arnault, "il s'en sort avec les honneurs, poursuit-il. Vu de l'extérieur, il n'est pas du tout abîmé". Et c'est bien cela qui compte pour son père, Bernard Arnault, "qui veut surtout exfiltrer ses enfants avant que cela aille mal", conclut cet interlocuteur.

Bernard Arnault reste patient

"Je suis très confiant pour Tiffany, mais cela prend du temps", a déclaré Bernard Arnault dans une interview publiée par Bloomberg Businessweek en juin dernier. "LVMH n'a jamais promis monts et merveille sur Tiffany en un claquement de doigt", abonde un défenseur de l'entreprise, qui souligne qu'elle "investit massivement" dans l'enseigne pour la relancer.

"Il a d'abord fallu remettre Tiffany au centre du jeu en tant que marque, ce qui a été fait par exemple avec la campagne Jay-Z/Beyoncé ou avec la réouverture du flagship sur la Cinquième Avenue", explique cette source.

"Il faut ensuite réussir à réinstaller des produits iconiques, bien identifiables, pour les clients. Avant, on allait chez Tiffany pour chercher une bague de fiançailles, sans vraiment savoir laquelle. L'idée est d'ancrer des marques fortes dans l'imaginaire des gens." Comme cela se fait par exemple chez le concurrent Cartier, qui génère la majeure partie de son chiffre d'affaires avec sa collection Trinity.

Et il se pourrait que ces investissements commencent à porter leurs fruits pour Tiffany. "La collection Lock, lancée à la fin de l'été, a notamment bien marché", confirme un analyste. De quoi donner du baume aux coeur aux équipes, qui s'attellent à faire rayonner à nouveau leur joyau.

Matthieu Pechberty et Pauline Tattevin